AccueilAccueil  Dernières imagesDernières images  RechercherRechercher  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
-40%
Le deal à ne pas rater :
-40% sur le Pack Gaming Mario PDP Manette filaire + Casque filaire ...
29.99 € 49.99 €
Voir le deal

Partagez
 

 Fallen | ft. Raeni

Aller en bas 
AuteurMessage
Caleb Turner
Caleb Turner
Masculin Niveau de pouvoir : 4
Niveau de maîtrise : 1
Messages : 466
Date d'inscription : 27/01/2019
Humeur : Fatigué

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptyVen 8 Fév - 15:19
Vide.

Caleb marche sans savoir où, sans s'en préoccuper, laissant ses jambes s'activer seules tandis que son esprit s'égare. Son regard n'accroche rien. Il ne cherche pas à comprendre, pas à détailler cet environnement nouveau dans lequel il a été catapulté. Une part de lui le refuse. Une part de lui demeure coincée dans cet avant espéré, dans cette vie brusquement brisée par ses propres mains. Les regrets tournent en boucle et valsent, valsent en son esprit comme dans un bal infernal. C'est une mélodie à laquelle il ne parvient plus à échapper. Les souvenirs le hantent, faits d'un bonheur dont il se sent arraché, le tourmentent dans la lumière qu'ils lui imposent. Rien, face à cela, ne trouve d'intérêt à ses yeux. Il n'y peut rien : l'endroit a beau être grandiose, il lui paraît terriblement terne face à son ancien lycée, ses longs couloirs aux casiers bleus et ses murs de papier peint délavé. Ou plutôt est-ce sa vie qui est devenue fade, loin des classes où on le reconnaissait, loin des exclamations enthousiastes et des rires de son équipe de natation. Caleb est seul, désormais, plongé tout en bas de l'échelle sociale. Il n'est plus l'étoile montante, plus la fierté de personne. Il le sait. Non, il est le gamin qu'on cache dans une école dont le nom de frôle même pas la réalité - surdoué ? si seulement - à une distance assez raisonnable pour qu'on oublie ses frasques, son existence avec un peu de chance, pour le protéger lui-même autant que l'intégrité de la famille.

L'idée amène une moue contrariée à son visage. La constellation de tâches de rousseur se froisse, le regard bleu se voile. Pression. Douleur. Il place un poing crispé contre son plexus et souffle, se masse, cherche à déloger la tension qui l'étouffe. Rien n'y fait. Il continue. Caleb avance, avance, erre sans but dans les couloirs vides, fantôme piégé dans le décor de la vieille bâtisse. Tantôt, il interrompt ses pas pour lancer une oeillade mélancolique aux extérieurs, demeure contemplatif un instant, puis repart. Il ne se souviendra pas de son trajet demain, n'y prête pas attention de toute manière.

C'est peut-être pour cela, à cause de cette tension permanente qui embrume son esprit, que cela arrive. Le garçon sent brusquement une résistance contre ses pieds. Trop tard. L'élan pris par son corps l'entraîne vers l'avant, inexorablement, ses jambes tentant maladroitement de s'extirper du tapis dans lequel il s'est emmêlé. En vain. Ses yeux s'écarquillent. Les mains gantées amortissent le choc au dernier moment, réflexe désespéré d'une tête endormie. Impact. Caleb pousse un "ouf" surpris avant de pousser sur ses bras, cherchant à se redresser le plus vite possible. Son regard cherche par delà les mèches claires qui tombent devant son visage, victimes de la gravité, craignant de trouver une face rieuse en témoin de sa chute idiote.

Des boucles brunes s'immiscent dans son champ de vision. Horreur. Caleb se met debout en une seconde, trop vite sans doute, tangant un peu sous l'impulsion rapide. Joues brûlantes, pupilles effarées, il refuse d'observer la fille qui lui fait face. Une honte vivace bouillonne dans son estomac, ruinant le peu d'aisance qui a survécu à l'apparition de son pouvoir. C'est terrible. L'image du sportif populaire se brise davantage dans son esprit tandis que son visage se teinte d'une couleur plus tenace encore. Les lèvres s'ouvrent, se ferment, il pince sa bouche parce qu'il ne sait pas quoi dire. Le silence se fait plus gênant à chaque seconde qui glisse hors de ses doigts.

Une part de Caleb est perdue. D'ordinaire, ce type d'incident le ferait rire, pas paniquer. D'ordinaire, une chute serait au contraire une bonne entrée en matière, faire rire la demoiselle pour mieux se lier, regarder son sourire et se laisser prendre au piège des étincelles dans ses yeux... Là ? Là, son cœur palpite si fort qu'il le sent battre jusque dans son crâne brûlant. C'est qu'il a besoin de se sentir exister. C'est qu'il doit à tout prix être aimé, admiré, retrouver un semblant de cette normalité à laquelle on l'a arraché.  

Sauf que c'est raté. Sauf qu'il vient de s'humilier, deux fois d'affilée, parce qu'il est incapable de prendre ça à la rigolade. Idiot. Ridicule. Caleb se sent comme une merde, et ce n'est tristement pas la première fois au cours des derniers jours.

Le silence s'étend, le silence s'égare, les joues de Caleb flambent et son cœur se broie.
Revenir en haut Aller en bas
Raeni LeBlanc
Raeni LeBlanc
Féminin Niveau de pouvoir : NIveau 2
Niveau de maîtrise : Niveau 2
Messages : 140
Date de naissance : 27/12/1992
Date d'inscription : 04/02/2019
Localisation : En train de dessiner ici ou là
Humeur : Charmante

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptyDim 10 Fév - 22:35
Le graphite courrait allègrement sur la page, noircissant l'espace immaculé jusqu'à lui donner la forme souhaitée. Je laissais ma main épouser la feuille, la marquer de son empreinte. J'étais plongée dans un autre monde. Pas une vision d'un passé proche ou lointain greffé dans un objet. Non, j'étais perdue dans mon propre souvenir. Car, si j'étais capable d'être happée par la mémoire de quelqu'un d'autre telle que laissée sur un objet, cela m'était impossible pour mes propres souvenirs. C'était peut être pour le mieux car je me serais perdue dans ces moments. Vivre dans le passé engendrait la rancœur et il y avait bien assez de rancœur dans ce monde.

Je n'étais néanmoins pas capable d'oublier. Je ne voulais pas que son image s'efface jusqu'à ne plus devenir qu'un vague souvenir. Mon téléphone était si nouveau lorsque le drame est arrivé que je n'avais qu'une seule photo de mon père dessus. Je regrettais amèrement de ne pas en avoir pris d'avantage. Ma fuite ne m'avait pas laissé la possibilité d'emporter un album. C'est pourquoi, régulièrement, je me posais dans un couloir vide, assise contre le mur, en invoquant ma mémoire. Et je dessinais. Je dessinais les yeux rieurs de mon père, ses petites rides au coin des yeux. Le pli de sa bouche lorsqu'il retenait un rire. Son air concentré lorsqu'il était sur une affaire. Je ne voulais rien oublier.

Mon carnet de dessin était en quelque sorte mon journal. J'y représentais les personnes que je rencontrais, mes amis. Je croquais des situations s'étant déroulé dans la journée. Certains étaient des représentations fidèles de la réalité, tandis que d'autres sortaient tout droit de mon imagination. Certains étaient sombres et me servaient de catharsis tandis que d'autre étaient des vœux pour le futur. Ce carnet contenait une bonne partie de ma vie et je veillais jalousement dessus.

Alors que je finissais les derniers détails de mon dessin un bruit sourd se fit entendre. Appuyant inconsciemment plus fort sur ma mine, mes sourcils se froncèrent en la sentant se casser. Relevant mes yeux vers la source du bruit, j'aperçu un garçon de mon âge face contre terre.  

Lâchant sur le champ mon carnet et mon crayon, je me précipitais vers lui, inquiète.

« Ca va ? »

Le garçon ne semble pas m'avoir entendue. Il a l'air... complètement perdu. Le détaillant un instant, je prenais conscience de ne l'avoir jamais vu auparavant. Il était plutôt mignon, alors je m'en serais souvenue. Un nouveau, sans aucun doute. Ce qui n'expliquait qu'en partie la gêne qui tapissait ses joues et qui exsudait de tout son être. Je penchais la tête sur le côté tout en l'observant ouvrir et fermer la bouche comme un poisson hors de l'eau, attendant qu'il me réponde. Qu'il prenne la parole. N'importe quoi en fait. Il semblait figé, incapable d'émettre le moindre son. Il était temps pour moi d'abréger son tourment.

« Est-ce que ça va ? »

Je répétais ma question, espérant vraiment qu'il me réponde cette fois. Les conversations à sens unique, ce n'était pas très drôle.

« Comme je ne t'ai jamais vu dans le coin, je suppose que tu es nouveau alors bienvenue à l'Institut ! Moi c'est Raeni et toi ? Oh ! Une seconde, je vais ramasser mes affaires. »

Un grand sourire aux lèvres, je reculais de quelques pas avant de me pencher vers mon carnet et mon crayon pour mieux pouvoir les ranger dans mon sac, les pans de ma robe ondulant en suivant mon demi tour rapide tandis que je retournais vers Caleb. Pas question que le petit nouveau silencieux ne m'échappe, j'étais bien décidée à lui faire faire le tour du propriétaire et, si possible, à lui arracher un sourire. On disait souvent que ma bonne humeur était communicative et franchement, il aurait bien besoin de se détendre un peu. De retour face au garçon, je l'attrapais par le bras, ne lui laissant aucune possibilité de s'échapper.

« Allez viens, je vais te faire faire le tour des privilégiés. En six mois j'ai eu le temps d'apprendre tous les tours et détours de cet endroit. Dis moi un peu ce que tu aimes, que je te montre en priorité les endroits qui te plairont. »

Tout en attendant sa réponse, je l'obligeais à se mettre en marche, tirant sur le bout de vêtement auquel je m'étais accrochée.
Revenir en haut Aller en bas
Caleb Turner
Caleb Turner
Masculin Niveau de pouvoir : 4
Niveau de maîtrise : 1
Messages : 466
Date d'inscription : 27/01/2019
Humeur : Fatigué

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptyLun 11 Fév - 18:18
« Est-ce que ça va ? »

La question est si simple qu'il en pleurerait. D'ordinaire, il y répondrait sans réfléchir, sourire enthousiaste aux lèvres, pétillement jovial dans le regard. Ouais! Caleb s'entend le dire. Le mot lèche sa langue, frôle sa bouche, dévale presque ses cordes vocales. Ses yeux s'agitent dans l'attente de la réponse, qui pleut normalement de lui sans son contrôle. Parce qu'il n'a pas besoin d'y penser. Parce qu'il n'a pas besoin de se pencher dessus. Cette fois-ci pourtant, les mots le plongent dans un désarroi profond. C'est un gouffre vaste et noir qui s'étend sous ses pieds, dont il sent les vents tentateurs agiter ses vêtements. Sa gorge se serre.

Non, ça ne va pas. C'est ce qu'il voudrait dire, là, tout de suite, sans honte aucune, parce qu'une part de lui sait que c'est la vérité. Peu importe que cette fille lui soit inconnue, peu importe qu'elle soit une mutante, et tant pis surtout pour sa dignité – il l'a abandonnée sans doute en s'effondrant sur le plancher. Le voici seul, de toute manière, et le beau visage accueillant qui s'offre à lui en appelle à ses besoins primaires. Affection, contact, compassion ; il a envie de se livrer, brusquement, brutalement, de juste parler avec quelqu'un qui ne lui en veut pas d'exister, qui a son âge et qui comprend, peut-être, un peu. Quelque chose toutefois l'en empêche. Il ne saurait dire de quoi il s'agit, entre pudeur et blocage, mais une barrière s'est dressée entre cette vérité et ses lèvres, une barrière qu'il n'a ni la force ni l'envie de détruire. Le garçon hausse donc les épaules, machinalement, réponse en demie-teinte, réponse qui n'en est pas vraiment une.

Peu importe finalement : cela ne semble aucunement déranger la demoiselle, qui s'emporte toute seule dans un tourbillon d'entrain. Elle parle, se présente, ne lui laisse pas le temps de faire de même avant de se retourner chercher ses affaires. Le cerveau de Caleb est déconnecté. Les informations s'associent mal entre elles, il cherche sans doute à assembler le mauvais puzzle et ouvre la bouche comme pour la retenir. Il ne veut pas la déranger. Si possible, il voudrait se faire tout petit, le plus discret possible, simplement continuer d'avancer en silence dans l'Institut en attendant de digérer toutes les facettes inédites de sa vie. De sa vie nouvelle. De sa vie de monstre.

Silence, toutefois, ne semble pas faire partie du vocabulaire de Raeni.

La jeune femme se redresse, avance, saisit son bras dans une poigne d'acier qui lui arrache un sursaut. Une protestation frôle sa langue sous un vent de panique. Recule, non, attends, je vais te faire mal. Caleb s'inflige de nouveau l'image des brûlures, enlfées et rouges, douloureuses, de son coach et de ses anciens amis. Ses dents torturent sa lèvre inférieure. Et Raeni parle.

« Allez viens, je vais te faire faire le tour des privilégiés. En six mois j'ai eu le temps d'apprendre tous les tours et détours de cet endroit. Dis moi un peu ce que tu aimes, que je te montre en priorité les endroits qui te plairont. »

Le garçon l'écoute d'une oreille, concentré en partie sur les tissus qui séparent sa peau de celle de la demoiselle, cherchant à se rassurer dans le débit calme qu'elle impose à ses oreilles. Tout va bien. Tout va bien. Tout va bien.

Finalement, il la regarde. C'est la première fois vraiment qu'il cherche à se reconnecter, à s'imprégner de la réalité pour dialoguer. Le regard bleu parcourt, détaille, observe la personne qui le tire à ses côtés, entraînante et enthousiaste. Raeni est belle. Il n'a pas à le nier, n'a pas à s'en détourner, la vérité est aussi douce que les traits du visage qui lui sourit. Raeni est belle et sa joie de vivre apaise un peu les plaies dont il se sent parcouru. Lentement, ses lèvres imitent les siennes, s'étirent en un timide croissant de lune.

« On va déjà commencer par le commencement, non ? Je m'appelle Caleb. Caleb Turner. »

Sa voix est erraillée, bizarrement, comme par manque d'usage. C'est faux, pourtant il semblerait que le silence l'ait enrobé d'une étreinte d'acier dans laquelle il se love trop facilement. Les bras de néant l'enserrent tendrement, se collent à sa peau et dans ses entrailles dans un moule qui paraît conçu pour lui, l'enveloppent d'une douce torpeur dont il n'a pas envie de sortir. Il n'a jamais, de sa vie, songé qu'un tel état puisse être rassurant ; ici s'exprimer lui demande un drôle d'effort. Caleb a fait un pas hors de son existence et la regarde défiler, placide, depuis quelques jours. Ça le terrifie.

« Je... Erm... T'es là depuis six mois c'est ça ? »

La question est plus facile à donner que les réponses qu'elle lui demande. La piscine, a-t-il envie de dire. Il brûle de plonger, de nager, de retourner dans ce monde où il est roi, dans cet Ailleurs qui étouffe les sons comme les problèmes. Et c'est le soucis, d'ailleurs : il brûle. Il fait évaporer ce paradis et le ruine pour autrui, dévaste les chairs et pourrit cet espace sacré au passage. Un soupir dépité quitte ses lèvres. Son regard se défile une seconde, cherche l'inspiration dans les lattes de parquet avant de remonter à la recherche de celui de Raeni. Il sourit, la tristesse masquée en ombre passagère sur son visage poupin.

« Tu sais quoi ? Surprends-moi. Pour l'endroit, je veux dire. »

Rien ne lui fait envie, rien n'a d'attrait, tout est fade et il donnerait sa peau pour revenir en arrière, juste un peu, avant que son pouvoir ne se manifeste, pour récupérer le moindre bout de son existence passée, rayée de la carte par la fatalité. De cela il ne montre rien. Un fin sourire déforme ses lèvres, tout juste, assez espère-t-il pour ne pas attirer l'attention. Son but n'est pas de passer pour Calimero.  

Ses yeux tombent sur les doigts qui tirent sur sa manche, tranquilles, inconscients du danger qui plane sur eux. Caleb résiste un peu soudain, stressé à l'idée d'un contact qui le terrorise désormais. Son regard rencontre celui de Raeni et il lui offre un faciès gêné, presque penaud, tandis qu'un murmure s'élève.

« Tu devrais me lâcher. Par contre. Je suis... »

Le mot lui brûle la gorge. Ça le bouffe de dire ça. Ça le détruit de prononcer ces mots. Il revoit son père, revandicateur, fronçant les sourcils devant la pauvre infirmière. « Mon fils n'est pas un monstre. »

« Je suis dangereux. »
Revenir en haut Aller en bas
Raeni LeBlanc
Raeni LeBlanc
Féminin Niveau de pouvoir : NIveau 2
Niveau de maîtrise : Niveau 2
Messages : 140
Date de naissance : 27/12/1992
Date d'inscription : 04/02/2019
Localisation : En train de dessiner ici ou là
Humeur : Charmante

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptyMer 13 Fév - 18:23
Il est bien silencieux ce jeune homme. Je n'aime pas le silence. Le silence était obligatoire au sein de l'établissement dans lequel ma mère m'avait installée après l'enterrement de mon père. Je ne pouvais parler que lors des visites du psychiatre et les infirmières semblaient réaliser leurs tâches de manière mécanique. Rien à voir avec celles que j'avais pu rencontrer plus jeune lorsque je m'étais foulée la cheville en cours de gymnastique. Depuis ma sortie, je ne tolérais plus le silence. Il n'était donc pas rare de me trouver en train de chantonner dans un coin, de tapoter du pied ou, tout simplement, d'écouter de la musique. Il me fallait un bruit de fond permanent. Cela gardait les pensées parasites à l'écart. C'est peut être inconsciemment pour ça que je parlais et parlais encore. Il n'avait pas répondu verbalement à ma première question, aussi continuais-je encore et encore jusqu'à ce que mes lèvres s'entrouvrent en un O surpris lorsque la voix du garçon me parvient. Caleb donc. Un grand sourire éclaire  mon visage. Il n'était donc pas muet ! L’œil pétillant, je répète donc mon prénom, lui offrant même mon nom de famille.

« Raeni LeBlanc, à ton service. »

On dirait presque que le son de sa voix lui fait peur. Je ne sais pas ce qui le terrorise à ce point – j'espère que ce n'est pas moi, je n'ai plus terrorisé personne depuis le collège quand on me prenait pour une sorcière – mais le pauvre garçon a l'air sombre. Autant de soucis ne devraient pas marquer un si charmant visage.

« Oui. Six mois. Le Professeur Xavier m'a trouvé et m'a proposé de venir. J'ai dit au revoir à mes colocataires et pouf, l'Institut. Retourner à l'école, c'est pas si évident et suivre les règles c'est compliqué. Mais dans l'ensemble, c'est plutôt sympa ici. »

Avec sa bouille, il ne devrait pas avoir trop de mal à se faire des amis. Il était beau, c'était indéniable, en plus, avec son visage d'ange on lui donnerait le bon Dieu sans confession. J'étais prête à parier qu'une fois qu'il se serait habitué au lieu et qu'il aurait moins l'air d'un homme marchant dans le couloir de la mort, il deviendrait plutôt populaire. Oui,  oui, oui, j'étais prête à parier ma chemise.

« Hum... Je vais déjà te faire faire un tour rapide de cet étage – il n'y a pas grand chose d'intéressant de ce côté là – et après je te ferais visiter le second étage. Enfreindre une ou deux règles tout ça. On va bien s'amuser. »

L’entraînant à ma suite, je désignais quelques portes du doigt, un air d'ennui profond sur visage.

« Donc, là, là et là, ce sont des salles de cours. De ce côté là, ce sont les dortoirs des profs. Ils ont leurs propres salle de bain, ces chanceux ! Au fond là bas, c'est la bibliothèque. Elle est immense ! Et de l'autre côté, ce sont les bureaux des profs mais quand on y est convoqué, en général, c'est mauvais signe. »

Je sentis alors une résistance, comme si Caleb refusait d'avancer plus en avant. Il est gêné. Encore. Et moi qui croyait qu'on avait dépassé ça ! Je fronçais les sourcils face à sa justification, repérant alors pour la première fois qu'il porte des gants.

« Dangereux ? A moins que tu sois un tueur en série, je ne vois pas en quoi tu serais plus dangereux que n'importe qui. Il suffit d'apprendre à contrôler ce qu'on sait faire. C'est pour ça qu'on est tous là non ? »

Un brin curieuse, je me tournais vers lui, le regard brillant.

« Bon, tu n'es absolument pas obligé de répondre si ça te met mal à l'aise – surtout pas hein ! -  mais... Il faut quand même que je pose la question. C'est quoi ton truc à toi ? »

Ignorant sa mise en garde, je ne l'avais pas lâché, si c'était vraiment si dangereux que ça de le tenir par la manche, l'inévitable serait déjà arrivé. Conclusion, ce n'était pas comme ça que je risquais quoi que ce soit. Ensuite, nous pourrions reprendre notre route vers l'étage supérieur.
Revenir en haut Aller en bas
Caleb Turner
Caleb Turner
Masculin Niveau de pouvoir : 4
Niveau de maîtrise : 1
Messages : 466
Date d'inscription : 27/01/2019
Humeur : Fatigué

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptyMer 20 Fév - 13:14
« T'avais arrêté l'école ? »

Caleb y songe, tout en détaillant son interlocutrice, si sage, si douce. Il se demande brièvement comment elle a pu en arriver à quitter le lycée, comment la vie a pu la pousser hors d'un chemin qui semble pourtant si bien lui aller. Elle déclare que c'est dur, de s'y remettre, et il a presque du mal à la croire. Raeni s'insère à la perfection dans le paysage, sourire enthousiaste et robe flottante, aura tendre et énergie communicative... L'imaginer hors d'ici lui paraît plus étrange que l'inverse, mais qui est-il pour juger ? Lui-même est un étranger en ces lieux, une tâche noirâtre sur le tableau impeccable de la Xavier School. Il n'a rien à faire là, ou plutôt est-ce ce qu'il ressent.

La conversation coule et s'écoule, le sujet varie et les émotions avec. Le garçon demande à être surpris, elle accepte. Elle accepte tout, semble-t-il. Raeni a l'air de faire partie de ces personnes faciles à vivre qui se laissent porter par la vie, sourire aux lèvres, force tranquille contre les flots de l'existence. Il se prend un instant à l'envier, presque, à se demander comment elle trouve en elle le courage de cette attitude. Il l'admire.

« Enfreindre des règles... déjà ? Si tu veux me faire visiter le bureau du Professeur Xavier, je suis à peu près certain qu'il y a d'autres moyens... »


Le ton est aussi enthousiaste qu'il peut l'être, pas assez à son goût du moins. Le Caleb qu'il a laissé derrière, dans le Maine, aurait ri et charrié, moqué sans doute, saupoudré le tout peut-être d'un jeu du coude. Là, c'est tout juste si l'entrain parvient à s'imiscer dans les interstices de ses mots.  Pathétique. Sa lèvre inférieure est triturée du bout des dents.

Ses yeux traînent le long des portes que Raeni désigne et il hoche la tête à intervalles réguliers, pour faire savoir qu'il l'entend, qu'il l'écoute même si rien ne parvient à le sortir de sa transe mélancolique. Il note, dans sa tête, tente d'y dessiner une carte de l'établissement où il devra rester, prisonnier de sa destiné. Être ici ne le réjouit pas. Le bâtiment a beau être gigantesque, la bibliothèque pourra être aussi grande et belle qu'on peut l'espérer, rien ne le départira de la vicieuse sensation de claustrophobie qui le hante. Ses geôliers ne sont même pas présents, il ne peut même pas les supplier de rentrer.

Un petit soupir lui échappe tandis que Raeni tire, désireuse sans doute de l'entraîner ailleurs. Et il se souvient. Il se souvient qu'elle tient son bras, si proche de sa peau, si proche du danger, et la peur l'éclabousse comme s'il s'était tenu trop près de la route un jour de pluie. L'analogie le ferait sourire s'il n'était terrorisé de ses propres capacités. Il s'arrête, demande, se justifie, explique même si ça le bouffe. Le mot « monstre » s'imprime dans son crâne, y danse en tentateur suprême, et l'estomac de Caleb se retourne tandis que le visage de sa compagne se fronce.

« Dangereux ? A moins que tu sois un tueur en série, je ne vois pas en quoi tu serais plus dangereux que n'importe qui. Il suffit d'apprendre à contrôler ce qu'on sait faire. C'est pour ça qu'on est tous là non ? »

C'est facile à dire. Elle ne sait pas. Elle n'a pas vu les regards, elle n'a pas entendu les paroles, senti la pesanteur des non-dits contre son dos. Tueur en série ? Si ses camarades avaient tardé à s'extirper de la piscine qu'il a transformée en bain à remous, il le serait devenu. L'idée fait cascader un frisson le long de son échine et il déglutit, péniblement, baisse les yeux pour éviter le regard curieux qu'elle lui lance.

« Bon, tu n'es absolument pas obligé de répondre si ça te met mal à l'aise – surtout pas hein ! -  mais... Il faut quand même que je pose la question. C'est quoi ton truc à toi ? »

L'image de la brûlure lui revient comme une gifle et il relève la tête trop vite, adressant à son interlocutrice un regard décontenancé. Que faire ? La jeune femme en parle d'une manière si légère, si douce, si poétique qu'il craint presque de s'exprimer, de briser cette belle énergie en révélant combien il est préférable de s'éloigner de lui. Il n'en a pas vraiment envie, de ça, n'a pas envie qu'elle prenne l'habitude de demeurer à deux pas de lui, en toutes circonstances, n'a pas envie qu'elle crée entre eux une distance aussi métaphorique que physique. C'est pourtant la bonne chose à faire. Ça le tue, ça le bouffe, mais le périmètre de sécurité qui l'entoure existe pour une raison. Un soupir lui échappe. Dire, ne pas dire. Dissimuler ou révéler. Rester ou s'écarter. Caleb donnerait n'importe quoi pour ne pas avoir à se poser cette question.

Sa lèvre inférieure se trouve de nouveau victime de ses dents. Il passe une main gantée dans ses cheveux clairs et la regarde, elle, si joviale, si solaire. Il l'envie un peu, pourtant une part de lui se demande. Est-elle comme lui ? Plus dangereuse ? Moins ? Les interrogations le distraient de ses pensées pour en amener d'autres, éternelle torture qui se nourrit d'elle-même. Pour nouer des liens, il doit dire la vérité, et puis on s'en rendra compte tôt ou tard. Doit-il nouer des liens ? Ces gens, ce lieu... On lui a appris que c'était une foire, grouillant de bêtes qui n'ont d'humain que l'apparence.

Comme lui.

« Je fais chauffer l'eau. »

Ça sort comme une réaction allergique. Il crispe et décrispe ses poings, lance une oeillade à Raeni.

« Pas que sous forme liquide en fait. Enfin je fais chauffer la molécule H2O à priori, en fait. Et, je sais pas, si je te touche par exemple, je peux t'ébouillanter de l'intérieur. C'est... C'est dégueu. C'est pour ça que je porte ça. »

Il désigne le gant du menton, jauge en même temps la réaction de sa compagne. Le silence dure une seconde, peut-être deux, infime fragment d'éternité. Un petit sourire courbe ses lèvres.

« Et toi ? C'est quoi, ''ton truc'' ? »
Revenir en haut Aller en bas
Raeni LeBlanc
Raeni LeBlanc
Féminin Niveau de pouvoir : NIveau 2
Niveau de maîtrise : Niveau 2
Messages : 140
Date de naissance : 27/12/1992
Date d'inscription : 04/02/2019
Localisation : En train de dessiner ici ou là
Humeur : Charmante

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptyJeu 21 Fév - 1:36
Il avait l'air surpris, Caleb, que j'ai pu mettre un terme à mes études. Ce n'était pas le premier et je ne comprenais pas forcément toujours pourquoi. Les circonstances avaient fait que mais je n'avais jamais regretté de ne plus fréquenter mon lycée de la Nouvelle-Orléans.

« Oui. Je suis partie de chez moi après l'élection. C'était plus sur pour moi, pour ma mère. De ce que j'en sais personne n'est venu l'embêter depuis donc c'était sûrement le bon choix. On est pas très tolérant par chez moi. »

Je haussais les épaules comme si tout cela n'avait pas d'importance. Cela en avait eu pourtant au début. Mais je préférais aller de l'avant plutôt que de me complaire à imaginer ce qu'aurais pu être ma vie. On n'avait que le moment présent et il fallait le savourer pour mieux modeler le futur. Papa disait toujours que rien n'arrivait par hasard. Que chaque événement dans la vie nous ouvrait des chemins. Je suivais donc les routes qui s'ouvraient devant moi.

Un peu comme avec Caleb. Je cherchais un moyen pour qu'il s'ouvre un peu plus. Qu'il perde son air mélancolique. J'étais prête à m'adapter pour ça. C'était mon truc de toute façon l'adaptabilité. Je prenais les choses comme elles venaient en évitant le plus possible de me prendre la tête.

Alors qu'il utilisait la notion 'déjà' alors que je parlais d'enfreindre les règles, je partis dans un grand éclat de rire.

« Je crois bien que j'ai enfreint ma première règle de l'institut à peu près vingt minutes après mon arrivée. Je ne suis pas très douée avec les consignes. Mais je n'ai pas été convoquée. Encore. »

Caleb commence à s'ouvrir, au moins un peu. Et ça me fait plaisir. Personne ne devrait avoir l'air aussi triste. La visite continue jusqu'au moment fatidique ou la crainte repris le dessus chez Caleb. J'avais tenté de détendre l'atmosphère mais le malaise semblait profond chez le jeune homme. Il me faudrait en savoir plus pour ne pas commettre d'impair. Il avait l'air perdu alors qu'il massacre sa lèvre inférieure. Je me retiens de poser un doigt sur ses lèvres pour qu'il arrête ça. Ce serait dommage qu'à force, il finisse par se blesser. Et puis ça avait tendance à me déconcentrer, on n'allait pas se mentir.

J'attendis patiemment qu'il se décide. Révéler son don ou non. Ce n'était pas toujours facile. C'était sa décision et je la respecterais dans tous les cas. J'étais curieuse bien évidemment mais jamais je ne forcerais qui que ce soit. Quand enfin, il se laissa aller à en parler, je pu prendre conscience d'à quel point il avait peur de lui même. Il n'aimait pas son don, c'était flagrant. J'étais passé par la il y a bien longtemps et le mien ne présentait pourtant pas les mêmes contraintes.

Lui adressant un sourire rassurant, je posais mes deux mains sur ses épaules. Je n'avais pas peur de lui. Ni de son don. Apparemment, il fallait un contact avec son épiderme. Je ne risquais rien tant qu'on restait au dessus des vêtements.

« C'est pas dégueu. Ils t'apprendront à contrôler tout ça ici. »

Je fis un petit mouvements circulaire de la main pour désigner sa personne avant de reprendre avec un sourire taquin avant de m’éventer de la main.

« Ça m'étonne pas vraiment en plus que tu puisses faire bouillir les gens. »

C'était comme ça, je n'avais jamais appris à tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler. Mes pensées étaient directement connectées à ma bouche pour le meilleur comme pour le pire. Mais il était temps de répondre à sa question à présent.

« Je vois des choses. Parfois, quand une personne ressent une forte émotion, elle laisse une empreinte qui vient se greffer sur un objet qu'elle possède. Bijoux, meuble, des murs parfois aussi. Si je les touche, je peux revivre une tranche de vie, un souvenir avec les émotions associées. Des moments forts. Pas forcément toujours heureux. »

Ce n'était pas facile à expliquer aussi essayais-je de donner des exemples.

« Une alliance peut me faire revivre un mariage, une tête de lit les ébats de son propriétaire. Comme si je les avais vécus. Et c'est assez perturbant. J'ai... j'ai vu des choses monstrueuses que je rêve de pouvoir effacer. Mais c'est impossible. »

Un voile passa dans mon regard tandis que je repensais aux visions de guerre, de mort et de souffrance que j'avais eu. Mais surtout à la mort de mon père que j'avais vu comme si j'y étais. Son visage contre le sol, perdant son éclat. Par un effort de volonté inouï, je renvoyais tout cela au fin fond de mon esprit.

« Je ne le maîtrise pas du tout ceci dit. Si un jour tu me vois le regard dans le vague et complètement figée c'est que je suis en train de revivre un événement. Je n'ai aucun contrôle la dessus, ça peut arriver n'importe quand. J'ai essayé les gants mais ça ne fonctionne pas pour moi. Oh ! Par contre il y a un truc que je maîtrise plutôt bien. C'est de m'approprier les talents de la personne qui possédait l'objet dont j'ai lu l'empreinte. Enfin pour peu qu'il en ait eu et que j'ai l'objet en main. »

Je lui adressais un nouveau sourire encourageant, espérant ne pas l'avoir trop terrorisé.

« Pas mal d'élèves n'aiment pas trop ça. Que je puisse voir des bouts de leur passé je veux dire. Comme si je faisais exprès de violer leur intimité. Du coup, je m'excuse d'avance si ça devait arriver. Je travaille là dessus. »

Le tirant de nouveau par la manche, je l'interrogeais avant de reprendre la visite.

« On passe à la suite ? »
Revenir en haut Aller en bas
Caleb Turner
Caleb Turner
Masculin Niveau de pouvoir : 4
Niveau de maîtrise : 1
Messages : 466
Date d'inscription : 27/01/2019
Humeur : Fatigué

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptySam 23 Fév - 0:18
Caleb pense, prend un instant pour se plonger en sa mémoire. Les événements prennent en profondeur, la perspective change, le monde se transforme. C'est comme si sa mutation avait en réalité déformé l'univers entier, comme si son propre changement affectait tout le reste. Faux, bien sûr que c'est faux, Caleb était simplement con et il lui a fallu un tel événement pour s'en rendre compte. Il se souvient du soir de l'élection, se souvient de la belle dinde de Maman et du vin français débouteillé pour l'occasion, se souvient de la chaleur du foyer et de la candeur joviale de la victoire. Il n'a pas cherché à comprendre, ce soir là, n'a pas cherché à creuser. Il n'a pas pensé à ceux qui ont pleuré le visage charismatique qui s'est affiché sur leur écran. Il a oublié ceux qui, comme Raeni, sont partis de chez eux pour fuir l'intolérance devenue légale, devenue figure d'état.

Un désagréable frisson lui mord les lèvres, il a envie de s'excuser. Ses yeux le brûlent presque. C'est qu'il est à fleur de peau, ces derniers jours, c'est que son existence s'effondre et qu'il ne sait que faire du tas de cendres fumantes qui demeure, ne sait même pas au final s'il reste du bon à conserver de cette mélasse. Le jeune homme ignore s'il déteste son passé ou s'il le regrette, se prend à errer sur le fil qui sépare les deux. Ses yeux glissent sur le sourire de son interlocutrice. Il sent encore la volaille qui sort du four. Son estomac se retourne ; son regard s'imprime au sol.

« Je crois bien que j'ai enfreint ma première règle de l'institut à peu près vingt minutes après mon arrivée. Je ne suis pas très douée avec les consignes. Mais je n'ai pas été convoquée. Encore. »

Le sujet dérive et il se laisse porter, fuit la pression dans ses poumons pour mieux rire. Ses lèvres s'étirent un peu, l'amusement gagne même ses yeux tandis qu'un petit éclat lui échappe, bref et pourtant si réel. Caleb détaille Raeni, hausse les épaules :

« C'est parce que tu n'as pas la tête de l'emploi. On te donnerait le bon Dieu sans confession. »

Il continue sur sa lancée, tente de courir avec le peu d'énergie qu'il a à offrir, profite du petit impetus de sa blague pour sourire encore un peu, ne s'essouffle que trop vite face à la mélancolie qui toujours pèse sur ses épaules. La lèvre est triturée et son cœur se dégonfle, tout redevient plat. Les étincelles s'estompent dans son regard, les pas font grincer le parquet du couloir. Dehors, il fait toujours aussi beau. C'est son don qui ternit tout.

« Je sais pas si c'est pas dégueu. T'as pas vu les brûlures. »

La réponse est trop hâtive. Elle dégouline de sa langue ; il ne parvient pas à l'attraper, pas à temps, il est contraint de l'écouter s'enfuir et la honte se pointe juste derrière, vile, célérate. Caleb a la gorge nouée. Ses yeux rejoignent de nouveau le sol. Il se rappelle. L'image tourne dans sa tête, film brisé par le choc. La caméra de ses souvenirs s'est figée sur ce point, jamais ne redémarre, toujours le torture. Maintenant, Raeni sait.

Mais elle blague. Elle drague, oserait-il dire, tout sourire, malicieuse jusque dans l'horreur. Le jeune homme est gêné soudain de sa propre angoisse, de sa propre incapacité à rire, comme elle le fait. Il voudrait être comme elle. Il voudrait se regarder dans le miroir sans entendre « Mon fils n'est pas un monstre ! », pouvoir répondre du moins à son reflet « Non, non Caleb, t'es pas un monstre, t'es juste un gars pas ordinaire, mais tu l'as jamais vraiment été et jusque là ça ne te posait pas problème. »

« Comment tu fais ? »

Alors ouais, ouais, son pouvoir à elle n'est pas méchant, pas dangereux, mais elle a dû fuir son foyer, fuir sa ville, fuir ses amis peut-être, tout ça parce qu'elle est différente, tout ça parce qu'elle ne ressemble à aucune autre, et il ne comprend pas comment elle s'y prend, comment elle est si heureuse malgré toute la colère, malgré tout le désespoir qu'elle doit sentir gangréner ses entrailles.

« Il- Il est trop cool ton pouvoir, mais il doit pas être facile à porter non plus, j'veux dire, imagine si tu touches le couteau de Jack l'Eventreur ou j'sais pas... »

Il s'agite un peu, triture de nouveau cette lèvre qu'il ne supporte décidément pas. Un soupir lui échappe. Ses doigts passent entre ses mèches claires.

« Enfin ça tu le sais, juste... Je sais pas. T'es cool. »

Petit sourire, timide offrande, il ne sait trop comment les mots en sont arrivés là. Ils sont sincères, ça oui, viennent de cette partie animée de son cœur – celle qui ne s'est pas encore consummée. Quand il la regarde, il pense qu'il pourrait se faire une amie. Elle évoque en lui le souvenir d'une ancienne connaissance, d'une proche s'il l'admet, et un peu plus peut-être. La question ne se pose plus, de toute manière.

« Deuxième étage, tu disais ? Y a des trucs cools, au deuxième étage ? »

Caleb s'ouvre un peu, tout doucement, timide fleurs dont les pétales craignent l'acide du monde. Il sait, pourtant, quelque part, qu'auprès de Raeni il est à l'abri. Qu'elle ne dira rien, qu'elle ne jugera pas. Qu'ils n'ont pas choisi d'être monstres, mais qu'ils peuvent l'être ensemble.
Revenir en haut Aller en bas
Raeni LeBlanc
Raeni LeBlanc
Féminin Niveau de pouvoir : NIveau 2
Niveau de maîtrise : Niveau 2
Messages : 140
Date de naissance : 27/12/1992
Date d'inscription : 04/02/2019
Localisation : En train de dessiner ici ou là
Humeur : Charmante

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptyMar 26 Fév - 12:13
J'étais heureuse de voir la tristesse peu à peu quitter les traits de Caleb. J'en connaissais un rayon sur la peine et le poids qu'elle faisait peser sur de si jeunes épaules. Toutes les épaules en fait. J'avais eu des semaines après la mort de Papa pour faire connaissance avec elle, l'inviter en mon cœur et avoir toutes les peines du monde à la faire disparaître. Cette souffrance qui s'imprime jusque dans vos os, jusqu'à envahir toute cellule, je la connaissais intimement. Je l'avais même chéri pendant un temps jusqu'à ce qu'elle ne m'empoisonne et que je décide de la cadenasser et de ne plus la regarder en face. Je l'avais enfermée dans une petite boîte, elle même rangée dans une plus grande boîte et entourée d'un emballage chatoyant. On ne veut jamais défaire ce qui est jolie, ce qui est beau et lumineux. On ne cherche pas à gratter la surface des dorures de peur de les abîmer. Et cela m'allait très bien.

J'avais toujours préféré le rire au larmes de toute façon. C'était bien plus facile à gérer. Et sa plaisanterie le méritais, ce rire, car c'était une grande avancée par rapport à son humeur lorsque je l'avais trouvé. Sourire aux lèvres, je lui adressais un clin d’œil avant de poursuivre.

« C'est bon à savoir. J'ai peut être une grande carrière de criminelle devant moi alors. »

Le ton était taquin et la remarque peu sérieuse. Il était évident que je ne ferais jamais rien qui pourrait entacher la mémoire de mon père. Mes quelques entorses à la loi avaient toujours eu un but qui dépassait mon propre intérêt. De toute façon, à presque chacun de mes choix 'et qu'est ce que Papa en penserait' résonnait dans ma tête comme un mantra. Toute mon enfance, on s'était moqué de moi en me traitant de petite fille à son Papa. Je ne m'étais pas rendu compte de l'importance qu'il avait dans ma vie avant de le perdre de façon brutale et définitive.

Mais, mes propres problèmes me semblait bien loin tandis que je pressentais la douleur et la tristesse qui émanaient de Caleb. Il était encore en pleine phase d’adaptation, cela se voyait. Pas besoin d'avoir des capacités extrasensorielles pour le deviner. Alors j’allégeais l'atmosphère, parce qu'il en avait besoin. Parce que malgré notre mutation, nous ne sommes tous que des ados ou des jeunes adultes et que ni la société ni la peur ne devraient nous empêcher de vivre.

Et soudain, la question. La fameuse question. Bien plus profonde que ce qu'elle pouvait laisser paraître. Le genre de question qui appelait une réponse honnête et réfléchie.

« J'ai choisi de toujours regarder vers l'avant. Loin vers l'avant. Choisi l'espoir. Un jour, quelqu'un de très sage m'a dit que l'espoir et le sourire faisaient partie de ces choses rares et précieuses qui étaient à la fois armes et boucliers. Il faut croire que ça me protège au moins un peu. »

Mon sourire se fit plus doux, tandis qu'il semblait intégrer la dynamique de mon pouvoir. Il en avait d'emblée saisi le pire aspect. Cela en disait plus long sur lui que sur moi. Il avait encore le réflexe de se focaliser sur ce qu'il y avait de pire sur la mutation.

« C'est vrai. Heureusement c'est plutôt rare de tomber sur ce genre de trucs. Et puis, on me fait travailler là dessus. Un jour, j'arrivais peut être à pouvoir choisir de voir ces souvenirs plutôt que les subir. Ou en chercher des plus anciens. Lui, il y arrivait. »

Réalisant ce que je venais de dire, la référence directe, je fermais la bouche, une ombre fugitive passant sur mon visage avant que je ne la fasse disparaître dans un sursaut de volonté. C'était facile de discuter avec Caleb. Un peu trop facile. J'avais toujours tendance à beaucoup parler, mais la plupart du temps mes interlocuteurs ne m'écoutaient pas vraiment. Je laissais mon sourire fleurir à nouveau sur mes lèvres.

« T'es plutôt cool aussi tu sais. Je vais peut être te garder. Si t'es pas trop sage. »

Il était chou ce garçon. Il me faisait l'effet d'un savant mélange de force et de fragilité, de fierté et de candeur. J'espérais vraiment qu'il arriverait à s'intégrer. Et puis, en cas de besoin, je ne serais jamais très loin. Il était à présent temps de lui faire visiter l'étage supérieur. Après tout, ne venait-il pas de le réclamer.

« C'est principalement les dortoirs. Je vais te faire visiter ! »

Je l’entraînais de nouveaux à ma suite, vers les escaliers cette fois. Une fois arrivée en haut je lui désignais le côté droit.

« Alors par là, c'est les dortoirs des filles. D'après le règlement, cette aile t'es interdite. Et pour le cas où tu sois un peu curieux, ma chambre, c'est la 101. »

Je lui indiquais l'autre côté ensuite.

« Ce côté là, ce sont les dortoirs des garçons. Il y a aussi une salle de bain collective. C'est écrit dessus, tu ne risques pas de la manquer. Au besoin, je t'accompagnerai pour trouver ton numéro de chambre mais il faudra le faire discrètement. »

Je l’entraînais ensuite vers le haut lieu de cet étage, la salle de jeux. Immense, très bien fournie, un vrai petit paradis pour les adolescents que nous étions.

« Tadaaa ! Voilà la salle de jeux. Il y a un peu de tout, jeux de société, consoles, livres... Tout ce qu'il faut pour t'occuper les jours de pluie. Ou les autres jours d'ailleurs. Quelques élèves y passent quasiment tout leur temps. »

Je saluais d'ailleurs ceux qui se trouvaient là, leur adressant un sourire ou un petit signe de la main. Je plissais les yeux en l'inspectant de haut en bas.

« Mais toi, t'as plutôt l'air d'avoir la carrure d'un sportif que d'un nerd. »
Revenir en haut Aller en bas
Caleb Turner
Caleb Turner
Masculin Niveau de pouvoir : 4
Niveau de maîtrise : 1
Messages : 466
Date d'inscription : 27/01/2019
Humeur : Fatigué

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptyVen 1 Mar - 10:57
Caleb écoute, Caleb réfléchit, Caleb mûrit l’idée saugrenue qu’elle tente de lui insuffler. Aller de l’avant. Toujours. Malgré les épreuves. Il y songe sans être totalement convaincu, jauge son interlocutrice pour mieux comprendre. Raeni est une flèche. Pas dans la lame qui embrasse son extrémité sans doute, mais dans la logique qu’elle entreprend, dans la vie qu’elle cherche à mener, chargeant tout droit dans une direction mystérieuse, poussée par un impetus obscur dont elle semble toujours se nourrir. C’est une force qui la rend belle, solaire, presque trop lumineuse songe-t-il pour un endroit comme celui-ci, le refuge des parias et des monstres. Il se demande. Il se demande si ça marche, en vrai, cette volonté de toujours avancer, ou s’il s’agit plutôt d’une chimère qu’on utilise pour se rassurer, jusqu’à ce que l’élan meure et que la puissance fane. Il se demande si son interlocutrice n’est pas simplement une bombe à retardement, un sourire qui demeurera roi quitte à la briser de l’intérieur. Il se demande si on peut aller de l’avant sans présent, aussi, mais cette pensée-là est plus égoïste, moins effrayante.

Au final, il ne relève pas. Il se contente d’opiner du chef, silencieusement, gardant pour lui les interrogations qui le criblent de doutes. Sa langue toutefois se délie un peu, il demande et discute plus aisément peut-être, et Raeni répond en bonne joueuse à ses quelques questions. Elle parle beaucoup, elle parle un peu trop sans doute, et le regard de Caleb s’écarquille de curiosité tandis qu’une ombre s’égare dans celui de son interlocutrice. Il ne sait pas quoi faire. Le moment s’étend devant lui, pulsant d’un choix qui est sien. « Lui ». Au centre sans doute des douleurs de la jeune femme, au cœur des peines qu’elle maquille à grands renforts de joie de vivre. Interroger ou se taire. Saisir l’opportunité ou la relâcher. Curiosité ou respect.

« Tout va bien ? »

Il la laisse prendre une décision, se lave les mains du problème, se détourne du sujet pour ne pas l’y enfermer. Les blagues recommencent, elle parle de lui comme d’un petit animal et il laisse échapper un petit rire tandis qu’il secoue la tête. Le dialogue se noue bien, se tisse tranquillement entre les deux jeunes gens et Caleb se détend progressivement à la lueur d’une camaraderie naissante. Les pas résonnent dans les couloirs vides, rythmant leurs voix qui s’enchevêtrent.

Il est guidé, porté par la demoiselle au fil des salles, au fil des escaliers, il observe moins ce qu’elle lui fait visiter qu’elle, parce qu’elle est la seule personne à être épargnée par l’insipidité totale dont est teinté son environnement. Ternie par sa mélancolie, Raeni l’est sans doute, pour autant il paraît impossible de la départir totalement des couleurs dont elle rayonne.

« Pourquoi il faudra être discret ? »
, demande-t-il tout de même, attentif au côté chenapan de la demoiselle.

Sans doute cela signifie-t-il de briser le règlement, songe-t-il avec amusement. C’est fou comme son interlocutrice jouit de paradoxes. Sagesse et malice, douceur et énergie, Caleb ne parvient pas à analyser son comportement de  feu et n’a de toute façon pas le courage de le faire. Au moins la verve de la jeune femme parvient-elle à le porter dans l’établissement.

La salle de jeux, il doit bien l’admettre, est plutôt cool. Carrément géniale, même. Il reconnaît la chose sans toutefois parvenir à y distiller un réel enthousiasme, écoute une fois de plus les dires de Raeni tandis que ses doigts frôlent une étagère débordant de livres mal rangés.

« Mais toi, t'as plutôt l'air d'avoir la carrure d'un sportif que d'un nerd. »

Un éclat de rire le saisit, il adresse une œillade amusée à sa compagne avant de hausser les épaules. Il le prend bien. Cela signifie qu’il est plutôt beau à voir, il le sait. Vraiment, il le prend bien. Il fait l’effort de ne pas songer à son titre de champion de nage libre du Maine. Ça ne le déprime pas, cette idée. Il le prend bien.

« Merci. »

Un fin sourire courbe ses lèvres, sans trop toucher son regard.

« Enfin tu sais, l’une des rares matières où je suis doué c’est la littérature. »

Il ne sait pas trop pourquoi il dit ça, l’information est aussi barbante qu’inutile. Tout le monde s’en fout, de son cours de prédilection. Ce n’est pas quelque chose dont Caleb a l’habitude de se vanter – il n’a pas besoin de cela, d’ordinaire. Peut-être est-ce ça, au final, ce besoin de se dire qu’il y a autre chose que le sport, qu’il n’a pas perdu le sens de son existence aux yeux des autres.
Revenir en haut Aller en bas
Raeni LeBlanc
Raeni LeBlanc
Féminin Niveau de pouvoir : NIveau 2
Niveau de maîtrise : Niveau 2
Messages : 140
Date de naissance : 27/12/1992
Date d'inscription : 04/02/2019
Localisation : En train de dessiner ici ou là
Humeur : Charmante

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptySam 2 Mar - 19:46
Est-ce que tout allait bien ? Non, plus depuis longtemps. Mais ce n'était pas parce que j'étais triste ou parce que le monde partait en vrille qu'il fallait tout laisser tomber. Je devais être forte. Forte pour moi même, forte pour ceux qui n'y arrivait pas eux mêmes. Forte parce que c'était ce qu'on attendait des LeBlanc. Notre famille s'occupait des autres depuis des générations. Nous étions des gens fiers. Mon père, mon grand père et ceux qui les ont précédés, ils n'ont jamais courus après la gloire ou les lauriers. Juste après la satisfaction de rester fidèles à leurs idéaux. Face à ce pedigree, comment aurais-je pu être différente ? Je ne me sentais pas forcée ou quoi que ce soit. C'était juste qui j'étais. Même quand c'était dur et que j'aurais voulu me rouler en boule dans un coin.

« Ca va, t'en fais pas. Je me suis juste rappelé de quelque chose. »

Plutôt quelqu'un en fait mais je n'étais pas encore prête à en parler. A vrai dire je n'en avais parlé qu'à la psychiatre de l'hôpital et à une autre personne. Autant dire que desceller mes lèvres à ce sujet n'était pas aisé. Je préférais donc dévier habilement le sujet sur des chemins moins escarpés. Et il me suit gentiment sans me brusquer. C'est un gentil. Ca se sent. J'espère qu'il trouvera sa place ici ou au moins qu'il se trace son propre chemin.

L'arrivée aux dortoirs c'était faite sans encombres et je répondis à son interrogation avec une mine de conspiratrice.

« Par ce que les filles sont interdites dans l'aile des garçons. Et que j'ai déjà été attrapée à fureter par là bas. »

Comme je m'y attendais, il réagit positivement à la salle de jeu. Difficile d'en être autrement. C'était un petit paradis agréable et tout à fait cosy. J'appréciais moi même de me poser sur un siège et de regarder tout ce beau monde jouer. Ce qui a l'air de l'intéresser, lui, ce sont les livres et un sourire se peint sur mes lèvres tandis qu'il effleurait les reliures. Sa tête serait elle bien pleine en plus d'être bien faite ? Il est de compagnie agréable ce jeune homme. Pas gêné par mon exubérance, toujours à rebondir à mes remarques, même les plus audacieuses. J'appréciais vraiment sa compagnie. Pourtant, lui aussi semblait recouvert d'un voile de mélancolie qu'il cherchait à cacher.

Je souris alors qu'il parle de littérature. J'aime ça. Sans forcément y être spécialement doué en classe. J'aime lire pour moi, pour nourrir mes convictions, pas pour une note.

« Vraiment ? Et bien je sais à côté de qui m'asseoir au prochain cours de littérature alors. Je recopierais tes notes ! Aussi étonnant que ça puisse paraître, il m'arrive de me laisser distraire. »

Il allait de soi que toute personne me connaissant un peu n'était pas du tout surprise.

« Mon truc c'est plutôt l'art plastique. Les matières académiques ce n'est pas trop ça. Après tout, comme je te l'ai dit, j'ai pris un peu de retard. »

Les notes, l'école, ça ne m'intéressait pas vraiment. J'avais goutté à la vie à l'extérieur des murs de ce genre d'institution et j'aspirais à y retourner. Mais avant ça, je devais maîtriser mon pouvoir. Pour pouvoir en faire quelque chose de bien.

Par réflexe, j'attrapais la main de Caleb pour la suite de la visite, le tirant à ma suite dans le couloir. J'ouvrais la porte de la salle d'étude, lui laissant tout juste le temps d'y jeter un coup d'oeil.

« Là, c'est la salle d'études. On ne va pas s'éterniser parce que cette pièce me file des sueurs froides. »

Je refermais rapidement la porte avant d’entraîner Caleb dans l'aile des garçons. Je me tournais vers lui, plaçant mon index sur ma bouche pour l'inciter à ne pas faire trop de bruit. Je murmurais ensuite.

« Alors dis moi tout, on t'a mis dans quelle chambre ? »
Revenir en haut Aller en bas
Caleb Turner
Caleb Turner
Masculin Niveau de pouvoir : 4
Niveau de maîtrise : 1
Messages : 466
Date d'inscription : 27/01/2019
Humeur : Fatigué

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptyLun 4 Mar - 11:31
Distraite, Raeni ? Cela ressemble davantage à un euphémisme qu'à une vérité. Caleb laisse échapper un petit rire discret tandis que ses doigts jouent avec les épaisses reliures des livres qui débordent des étagères. Son regard rencontre celui de son interlocutrice, songeur. Lui aussi peine à se concentrer en ce moment. Ça ne fait que quelques jours, mais l'impossibilité de nager met le désordre dans ses pensées et il ne parvient plus aussi bien à se focaliser. L'eau, c'était son Paradis, c'était son antre, son havre de paix, la pause qu'il s'accordait pour pouvoir affronter le reste avec force et courage ; autant de traits qu'il n'a plus la sensation de posséder, ces derniers jours.

« Je te filerai mes notes ouais. »
, glisse-t-il doucement, espérant en silence ne pas se révéler mauvais en changeant d'école.

Le temps suit sa route, la bonne humeur comme fil conducteur. Il se laisse traîner, malgré le sursaut qui le prend lorsque les doigts de sa compagne se glisse dans sa paume, lance un petit sourire désolé à son adresse.

« Pardon», souffle-t-il. 

L'angoisse est toujours présente. Ses mains ne sont plus inoffensives, sa peau n'est plus une source de douceur ou de plaisir. Son corps est une arme, une arme incontrôlable dont il est bien incapable de se servir correctement. Il blesse, fait souffrir au mieux, détruit parfois. En quelques jours, le fait d'être touché est devenu une source de terreur. Le désapprendre sera long, il en a conscience, ne sait même pas s'il en a envie. Il est un monstre, après tout. En a-t-il seulement le droit ?

Ils s'avancent dans le couloir, doigts entrelacés, sans pudeur aucune. Caleb regrette le temps où aucune barrière de cuir n'était nécessaire pour profiter de ce contact, pourtant il ne peut qu'être reconnaissant de la présence des gants, si précieux, si importants, vestiges d'une vie passée qu'il avait été contraint de quitter. Les éclats d'une peau chocolatée lui revinrent à l'esprit, sourire doux et voix chantante, un enthousiasme pas si différent de celui de Raeni au fond. Une main rassurante sur ses épaules défaites.

« Tiens, comme ça on pourra se toucher ! »

Un sourire doux, presque triste s'empara de ses traits. La bulle de nostalgie éclata rapidement toutefois, au claquement distinct d'une ouverture de porte. Brusque reconnexion à la réalité. La salle d'études. Oui.

« Des sueurs froides ? Pourquoi, y a des trucs flippants dedans ? »

Son regard profite de la dernière seconde avant que l'entrée ne se referme devant son nez. L'endroit paraît profondément normal, aussi ennuyeux que tous les lieux dédiés aux révisions et aux devoirs, aussi silencieux et monotone. Pas son genre, mais le jeune homme n'y voit rien de dérangeant. Un vent de méfiance souffle soudain sur son dos. L'Institut est-il particulier jusque là ? Y trouve-t-on des dangers insoupçonnés ? Caleb a l'impression d'être plongé à Poudlard, avec ses escaliers meurtriers et ses créatures grotesques tapies dans les couloirs. À tout moment, il s'attend à voir un surveillant débarquer en hurlant qu'un ogre s'agite dans les cacheots. C'est stupide.

Mais Caleb n'a pas le temps de réfléchir trop longtemps. Raeni est pressée, semble presque fuir la salle d'études. Ses pas rapides les conduisent dans les couloirs, vers les dortoirs. Le jeune homme ne peut s'empêcher de lancer un coup d'oeil dans son dos, craignant presque de constater la présence d'un monstre les poursuivant. Rien.

Haussant un sourcil, il s'apprête à interroger la jeune femme lorsque celle-ci le prend de court. Quelle chambre, demande-t-elle.

« Euh... La cent-quelque-chose. Attends. »

Ses doigts tentent de défroisser le papier plié qu'il sort de sa poche.

« 126. Je suis avec Niou Ishido et un certain Allen. Enfin c'est ce que dit le papier, moi je les ai pas encore rencontrés, j'ai juste posé mes valises. »

Son accent américain vient de ruiner le nom asiatique, il le sait, se sent presque désolé mais a davantage envie de rire, parce qu'il se sent bête et un peu ridicule. Il remonte son regard, observe Raeni, sourit. L'étincelle de malice qui brille dans les yeux de la demoiselle ne le trompe pas.

« Tu... as quelque chose en tête, non ? »

Sa chambre, suppose-t-il, n'a vraiment rien de spécial, rien d'intéressant non plus. Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux pour faire connaissance, à part si... Un petit rire lui échappe. Ses doigts glissent rapidement dans ses cheveux, sa lèvre est triturée doucement sous la gêne.

« Erm... Rien à voir, tu... aimes le thé ? T'as l'impression que c'est débile mais je te jure que non hein. »

Nouveau rire, il joue avec ses pieds pour se distraire tandis qu'il attend la réponse. Son regard traîne sur le long couloir qui le mène à son nouveau lit, sur le soleil qui filtre dans les fenêtres. Il pense que ça fera du bien, un thé. Que ça l'apaisera, lui, peut-être elle aussi. Et puis pas besoin de descendre dans les cuisines... Il a ses doigts.

flash éventuel:


Dernière édition par Caleb Turner le Jeu 14 Mar - 16:49, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Raeni LeBlanc
Raeni LeBlanc
Féminin Niveau de pouvoir : NIveau 2
Niveau de maîtrise : Niveau 2
Messages : 140
Date de naissance : 27/12/1992
Date d'inscription : 04/02/2019
Localisation : En train de dessiner ici ou là
Humeur : Charmante

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptyDim 10 Mar - 23:01
Caleb est gentil. Vraiment gentil. Adorable même. Il a ce je ne sais quoi qui fait qu'on lui donnerait le bon dieu sans confession en plus d'avoir un sourire sexy en diable – et oui je n'étais pas vraiment fière de cette analogie foireuse. Il n'a pas hésité une seconde avant d'accepter de me prêter ses notes et ça, c'est un bon point pour lui.

C'est un peu une biche aux abois ce garçon. Mon contact le fait sursauter, sans doute à cause de son don qu'il peine à maîtriser. Mais je n'ai pas peur. Le gant fait barrage entre sa peau et la mienne. Et je sens que cet objet est important. Alors j'accélère, pour le mener à la pièce suivante, car je sens venir le flash et avec lui l'immobilisme. Je profite des quelques secondes où il regarde ailleurs dans la salle d'étude pour me laisser emporter, baissant les paupières pour masquer le voile qui se pose sur mes yeux. Je la vois, cette femme si affectueuse, maternelle même et les mots qu'elle a eu pour Caleb. En quelques secondes je revis la scène, m'imprègne de ses émotions avant de me reconnecter au réel. Ouvrant grand les yeux et entrainant Caleb au loin, espérant que cet incursion inopinée dans son passé soit passée inapperçue. En d'autres circonstances, j'aurais fait une remarque sur ce que j'avais vu. Mais là, il n'y avait rien de bien spirituel ou utile que j'aurais pu dire alors je m'étais contentée de me taire.

« Ouais. Vraiment flippants. Des devoirs. Brrrr. »

Je le trainais alors vers les dortoirs des garçons. Je connaissais bien les lieux. Un peu trop bien en fait si on considérait le fait que je n'avais normalement pas le droit d'y mettre les pieds. Ma phobie des révisions et ma volonté de mettre le plus de distance possible avec la salle d'étude semble perturber Caleb. Pas autant que quand je lui ai demandé son numéro de chambre, j'avoue. Apparemment, il l'a déjà trouvé tout seul. N'empêche, je suis curieuse. Alors, plutôt que de répondre  à sa question, je me contente d'un clin d'oeil.

C'est Caleb qui me surprend ensuite si bien que mes sourcils s'élèvent haut sur mon front. Il veut savoir si j'aime le thé. Drôle de question.

« Oui, j'aime le thé. Comme tout le monde non ? Surtout le chai. Je suis une fille à épices. »

Je souris, pas forcément sure de voir le lien entre sa chambre et tout ça.

« Alors, tu me la montres cette chambre ? Comme ça je pourrais passer te dire bonjour quand je me faufile pour rejoindre Lissa. »

Je me tourne alors vers lui pour clarifier un point souvent mal interprété. Du moins au début.

« Lissa c'est mon meilleur ami. On se retrouve souvent dans le dortoir de l'un ou de l'autre. Ce qui, bien sur est totalement interdit. »

Mon air de conspiratrice ne lui aura sans doute pas échappé. Ces petits risques de la vie courante, je les prenais avec plaisir. Après tout, si on ne s'amusait pas à nos âges quand le ferions nous ?  
Revenir en haut Aller en bas
Caleb Turner
Caleb Turner
Masculin Niveau de pouvoir : 4
Niveau de maîtrise : 1
Messages : 466
Date d'inscription : 27/01/2019
Humeur : Fatigué

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni EmptyVen 15 Mar - 13:46
Raeni ment mais il ne vaut pas mieux. Les deux jeunes gens sont similaires en ce sens, deux âmes perdues dont les fissures doivent demeurer bien cachées derrière un masque, un joli masque rutilant qui détournera l'attention des autres. Et parce qu'elle est si semblable à lui-même, parce qu'en cette attitude ils se rapprochent trop, il décide de se taire. Caleb lui lance un long regard, hausse les épaules et retourne à la conversation, dans un enchaînement de cabrioles orales dont il connaît le secret depuis trop longtemps. Même avant d'entrer à l'Institut, même lorsque ses pas ne foulaient jamais que les couloirs de son petit lycée du Maine, la nécessité de conserver sa façade de Golden Boy le poussait déjà à rebondir sur un rien, à éviter les sujets qui fâchent, à contourner les problèmes. C'est ainsi qu'il avait éludé la question mutante, en dépit de l'orientation politique de son père, en dépit de l'importance de ce débat dans l'ère contemporaine américaine. Jusqu'à ce que cette même question explose entre ses mains, par un triste jeu du destin.

Le sujet varie, les mots changent, Caleb sourit et suit le mouvement, sage, poli. La conversation reprend son cours – c'est qu'ils sont doués pour ça semble-t-il – et les mène tranquillement au couloir du dortoir des garçons, gigantesque et imposant, n'éveillant rien en lui pourtant qu'une forme de rejet apathique. Finalement, les questions fusent et s'entremêlent. Chacun sa motivation, chacun son objectif, ils s'amusent des interrogations de l'autre et échangent un bref regard. Le thé semble l'emporter. Raeni est interpellée, il en a conscience, trouve cela normal d'ailleurs, et un bref rire rompt ses lèvres tandis qu'il répond, haussant machinalement les épaules :

« C'est un réflexe. Enfin, tu sais, mon pouvoir est merdique mais il peut être utile, pour... pour ce genre de truc. »

Nouvel éclat d'hilarité, emprunt de gêne, écrin jovial d'un malêtre qu'il dissimule mal.

« C'est un peu mon lot de consolation. Je fais bouilloire. »

Son regard traîne dans le couloir quelques secondes, accrochant les rayons clairs du soleil reflété dans les larges vitres. Il se retourne vers Raeni avec un fin sourire aux lèvres, arborant un masque presque efficace d'amusement et d'aisance. Ce n'est pas très compliqué, pas avec elle. Cette fille l'apaise, le détend peut-être. Elle est si joviale qu'il la trouve solaire, aimerait lui dérober un rayon sans savoir quoi en faire.

Ça ne l'étonne pas d'ailleurs, qu'elle soit ''une fille à épices''. Raeni est pétillante, colorée, vivante. Lui-même n'a aucune idée de ce qu'est un chaï, bien que le nom lui dise quelque chose – Instagram sans doute, se dit-il – mais il ne doute pas du goût fumé dont il doit disposer pour obtenir les faveurs de la demoiselle.

« Bon, je n'ai pas de chaï mais... si t'en as ? »

La question n'a pas de sens, cette conversation non plus. Caleb offre un petit sourire à Raeni, l'écoute réclamer une visite, sans gêne, sans pudeur. Lissa. Il note le nom dans un coin de sa tête, colle l'étiquette appropriée à côté, tente d'imaginer la personnalité dissimulée derrière cette nouveauté. Lissa. Sur le coup, il a visualisé une fille, mais la logique élémentaire et le commentaire joueur de son interlocutrice ont eu tôt fait de lui faire comprendre l'inverse. Sans doute s'agit-il donc de l'un de ses innombrables voisins.

« Je t'avoue que les seuls noms qui me parlent, pour l'instant, c'est Niou... »

Il grimace, mécontent de charcuter le nom asiatique, puis reprend en soupirant.

« … et Allen, du coup. Allen Paflof ? Pavelove ? »

Un éclat de rire lui échappe tandis qu'il glisse ses doigts dans ses mèches ébouriffées. La gêne chauffe légèrement ses joues, son regard se dérobe, pourtant il avance dans le couloir. Faire des petites choses interdites ne lui a jamais vraiment fait peur. Comme Raeni, il se contente de ne pas être attrapé.

« On est à l'international ici, tout le monde va pouvoir se foutre de ma gueule très vite... »

Il marche, rapide et efficace, ses yeux courant de son papier aux portes auxquelles il n'a pas assez prêté attention. Le corridor paraît interminable. À plusieurs reprises, il se demande silencieusement s'il ne s'est pas trompé, s'il n'est pas déjà passé devant sa propre chambre. D'aucun dirait qu'il n'en est plus à une ridiculisation près, lui préférerait ne pas réitérer dix fois l'expérience. La demoiselle est jolie, charmante et il aimerait ne pas passer pour un parfait loser à ses yeux. Sans doute a-t-il déjà fait une bonne partie du travail d'ailleurs.

Après quelques minutes toutefois, le nombre fatidique s'affiche sur une porte brune, identique à toutes les autres à cela près qu'elle est sienne désormais. C'est chez lui, à compter d'aujourd'hui. C'est ici désormais qu'il rentrera le soir, ici qu'il fera ses devoirs ou invitera ses amis. C'est ici qu'il vivera. Plus chez ses parents. Plus jamais.

Le sourire vascille et les yeux perdent de leurs étincelles, il baisse un instant la tête avant d'actionner la poignée, révélant son lit encombré de bagages.

« Ouais, j'ai pas encore rangé du coup désolé... »

Des plantes longent la fenêtre, un tas de plantes, et une guitare trône sur l'un des trois lits, prémices des personnalités de ses nouveaux colocataires. Il ne les connaît pas encore, espère apprendre à les apprécier. Pour l'instant toutefois, la présence rayonnante de Rae lui suffit. Il tourne vers elle un timide sourire avant de s'avancer, soulevant sa lourde valise afin de la déposer au sol, laissant davantage de place sur son lit en désordre.

« Assieds-toi, si tu veux. »
Revenir en haut Aller en bas
❝ Contenu sponsorisé ❞

Fallen | ft. Raeni Empty
MessageSujet: Re: Fallen | ft. Raeni Fallen | ft. Raeni Empty
Revenir en haut Aller en bas
 
Fallen | ft. Raeni
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» He we are now, entertain us ⎮ ft Raeni
» I'll be here when you come back | Raeni LeBlanc
» It's possible to be special without being unique | Raeni
» The headlights are coming ( Raeni)
» Voir, Savoir, Pouvoir. [ft. Raeni LeBlanc]

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Mutatis Mutandis :: Institut Xavier :: Premier étage-
Sauter vers: