It's possible to be special without being unique | Raeni

La plupart des gens naissent de la rencontre de deux corps, d'étreintes passionnées et d'une nuit d'échange qu'il soit purement physique ou également émotionnel. Pas toi. Toi, tas naissance aura été le fruit d'un long processus. D'une sélection de sujet, d'un choix précis de gamètes. Ta conception aura fait l'objet de rapport précis et tout aura été calculé au millimètre. Tout, sauf l'arrêt du programme au sein duquel tu aurais du te développer.

Le ventre emprunté pour l'occasion était déjà bien trop rond pour qu'on puisse t’interrompre comme le projet Stargate. Il a donc fallu trouver quoi faire de toi. Une chance, ton donneur de gamète avait accepté de te prendre en charge. Sa contrepartie féminine, elle, n'était qu'un numéro de dossier, rétribuée pour son don pour la science. Elle aussi savait faire des choses anormales. Pas autant que Buchanan bien sur. Mais avec deux parents si spéciaux, tu aurais pu faire avancer la recherche de façon significative. D'ailleurs, ton père – si l'on peut dire – y comptait bien. Il l'attendait même. Passant toute ta petite enfance à utiliser toute sorte d'appareils sophistiqués pour mesurer ton activité cérébrale. Mais rien. Tu aurais pourtant du être le plus grand accomplissement de cet homme qui recherchait la gloire. Qui espérait que ses capacités soient enfin reconnues pour ce qu'elles étaient. L'avenir du renseignement militaire. Frustré et déçu, il a fini par te confier à sa sœur. Avoir une petite fille, c'était un rêve auquel elle ne croyait plus. Alors sitôt la proposition lancée, l'Uper East Side t'ouvrais les bras tandis que se refermait derrière toi les barreaux d'une prison dorée ou l'apparence avait force de loi.

Cet abandon a conditionné ta vie. On ne sort pas indemne d'un tel rejet. Depuis, tu as toujours cherché à plaire à tout le monde. A t'adapter, tel un caméléon au point de t'oublier toi même. Pour ta tante, tu es devenue l'enfant modèle, ne rechignant pas à l'appeler maman, à être cette petite poupée dont elle avait toujours rêvé, à briller en société pour qu'elle soit fière. Tu as développé un talent fou pour anticiper ses attentes et celles de ton oncle.

C'est sans doute parce que tu savais à quel point ta tante méprisait le don de ton père que tu as décidé que le tien devait rester caché. Tu avais dix ans la première fois que tu as fais claquer une porte sous l'effet de la colère. Les témoins de la scène avaient blâmé un courant d'air. Quand la chose s'est reproduite, tu as fini par comprendre. Par comprendre et par prendre peur. Alors tu t'es entraînée, t'isolant du monde. A l'école, tu étais cette enfant mystérieuse et solitaire qui ne cherchait pas à se faire des amis. Tu voulais qu'ils t'apprécient mais sans pour autant qu'ils t'approchent de trop près. De peur qu'ils découvrent que quelque chose n'allait pas chez toi. Dans ton école d'enfants de diplomates et de nantis en tout genre, tu aurais rapidement du faire office de paria. En fait, cela aurait sans doute été le cas si tu n'avais pas attiré son attention. C'était à la fois le grand drame et la bénédiction de ta vie.

Il lui aura fallu des années pour obtenir de toi plus qu'un sourire poli. Des années pendant lesquelles tu avais peaufiné la maîtrise de ton don comme si c'était une nécessité vitale. Et, ça l'était pour toi. Tu haïssais ce don qui se faisait toujours plus fort, toujours plus dangereux. Te poussant dans tes retranchements dès que tu pensais l'avoir vaincu. Tu aurais tellement voulu pouvoir le nier, le faire disparaître. Tu t'entrainais toujours au même endroit, réglée comme une horloge. Tu n'aimais pas que quoi que ce soit perturbe ta petite routine.

Tu avais seize ans et une maîtrise quasi totale de ton pouvoir lorsqu'Il t'a percé à jour. Il t'avait surpris alors que, te croyant seules, tu évacuais la pression d'un examen particulièrement délicat en faisant léviter tout un tas de feuilles mortes et en les faisant danser un ballet. Il avait posé la main sur ton épaule, te faisant sursauter et, tout s'était arrêté.

« Je te tiens. »

Telle avait été sa seule réaction, accompagné du plus grand sourire que tu ais jamais vu orner ses lèvres. Dès lors, vous êtes devenus inséparables. Le couple en vue du lycée. Il faisait partie d'une famille notoirement anti-mutant. Sa carrière en politique déjà tracée pour lui. Tu ne comprenais pas pourquoi il s'encombrait avec toi. Pourquoi il te donnait tous ces conseils concernant ton maintien, tes fréquentations et même sur ton choix de majeures. Ce qui t'intriguait surtout, c'était le fait qu'il n'ai jamais mentionné ce qu'il avait vu. Tu craignais qu'il n'aborde la question. Devinant dans son regard bien trop intelligent qu'il y pensait bien plus que son silence ne le laissait paraître. En règle général, tu cernais assez vite les gens mais lui, tu n'as jamais su lire en lui pas vrai ? Tout comme tu n'as jamais su lui dire non. Dès l'instant où il a murmuré à ton oreille, il t'a fasciné et tu as voulu lui plaire. Au départ bien sur, tu t'es dit que c'était pour assurer son silence et puis... peu à peu... tu voulais juste le garder à tes côtés.

Ton oncle et ta tante étaient aux anges, clamant que tu n'aurais pas pu trouver de meilleur parti. Les années passèrent, toi finissant le lycée, développant le contrôle parfait de ton habileté jusqu'à pouvoir nier son existence même. Tes émotions étaient parfaitement sous contrôle, te laissant apparaître comme froide et lisse. Sauf quand Lui était là. Avec lui, tu n'étais pas froide, tu n'étais que tumulte d'émotions. Et il en jouait. Toujours. Son regard se faisait sauvage et ses baisers plus passionnés lorsque l'eau à la surface d'un verre tremblait sans raison alors qu'il t'effleurait. Il aimait ça, être le seul à pouvoir faire fléchir ta maîtrise.

Ça lui donnait un sentiment de pouvoir. Et Dieu sait qu'il aimait ça, le pouvoir. Ce n'est pas pour rien qu'il s'était lancé à corps perdu dans la promotion du candidat Kennedy avant même que les velléités présidentielles ne soient connues. Il était doué, pour s'entourer des bonnes personnes. Il savait y faire. Son carnet d'adresse était impressionnant. Il se servait de la fortune familiale pour offrir des faveurs à ceux qu'il sentait pouvoir devenir important un jour.

De ton côté, tu avais utilisé ton don chèrement acquis à savoir ce que l'on attendait de toi pour développer une carrière dans les relations publiques. Gérer l'image de personnalités était devenu ton gagne pain. Tu savais ce qu'il convenait de faire pour redorer le blason d'un joueur de football américain coincé dans un scandale sexuel ou encore gérer la récente incarcération d'une star de la chanson. Savoir quoi dire et quoi faire pour faire redescendre l'attention, utiliser des tours de prestidigitation pour attirer ailleurs l'attention du public. Tel était ton boulot et tu étais sacrément bonne la dedans.

Tu as assisté avec l'équipe de campagne à l'élection de Kennedy, sirotant une flûte de champagne comme si tu étais l'une des leurs. Cachant le monstre en toi et soutenant le petit sourire ironique que ton fiancé t'avais adressé ce soir là. Car oui, alors qu'un pas de plus était fait dans le rejet des mutants, lui avait décidé de te proposer de lier sa vie à la tienne. Et bien sur tu avais accepté car, au fond, sans lui, que restait-il de toi ?