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 Caleb - Let the tides come in, and pull me below the surface

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AuteurMessage
Caleb Turner
Caleb Turner
Masculin Niveau de pouvoir : 4
Niveau de maîtrise : 1
Messages : 466
Date d'inscription : 27/01/2019
Humeur : Fatigué

Caleb - Let the tides come in, and pull me below the surface Empty
MessageSujet: Caleb - Let the tides come in, and pull me below the surface Caleb - Let the tides come in, and pull me below the surface EmptyDim 27 Jan - 21:21
C
Caleb Turner
Froy Gutierrez
Célib'
Elève
Elementalist
16.5 ans
USA


I feel the pages turning I see the candle burning down Before my eyes, before my wild eyes




« Tu penses à quoi ? »
- A toi.
- Menteur. »


Meet me
Caleb Turner
Pouvoir(s)
Envie d'un bain. Caleb se glisse discrètement dans la chambre vidée d'un professeur qui ne sera pas là de la journée et s'avance directement vers la salle de bain. Le reste ne l'intéresse pas. Il allume l'eau, à fond, s'installe directement dans la baignoire et ferme les yeux, s'autorisant à se détendre et à profiter. L'effet est immédiat : le liquide boue à son contact, ne cesse pas à mesure que le niveau monte. Un sourire satisfait embrasse ses lèvres et il s'installe plus confortablement, content d'obtenir le jacuzzi qu'il rêvait de tenter. Enfin. Soupirant, Caleb se détend, joue avec les bulles créées par son simple contact, transforme progressivement la pièce en sauna à mesure que l'eau prend en température.

Trente minutes plus tard, le bain est vide, et c'est un jeune homme aussi nu que gêné que découvre Ethan McMillan dans sa salle de bain, les joues rouges et les jambes repliées pour protéger son intimité.

« J-J'ai essayé de pratiquer e-et... »

Un murmure honteux retentit :

« J'ai fait évaporer le bain... »

///////

Caleb a le pouvoir de réchauffer l'eau à son contact. Cela vaut pour la molécule sous toutes ses formes, y compris donc dans les organismes dont elle incarne une partie de la composition. Par crainte de brûler ou de tuer quiconque, le jeune homme arbore presque systématiquement des gants.
Entretien d'admission
Que pensez-vous du contexte politique actuel ?


Fut un temps où je ne pensais rien, où je me contentais d'être porté par les flots des opinions qui m'entouraient. Tout le monde avait un avis ; moi je me rangeais du côté de la majorité. Pas mutant, bien humain, je me lovais dans le confort de ma situation sans penser que ça pouvait nuire à quiconque. Les monst- Le gêne X, je m'en fichais un peu. Mon père disait que ça les séparait de l'humanité, et c'était plus simple de l'écouter.

Peut-être que c'est le karma qui a frappé, au fond, je n'en sais rien. Maintenant je me retrouve de l'autre côté de l'écran, de l'autre côté de la faille, à regarder les gens acquiescer silencieusement lorsque l'homme charismatique de la télévision appelle à mon rejet, appelle à ma soumission, appelle à ma mort peut-être. Et dans un contexte où j'ai déjà du mal à avaler ce qui m'arrive... Bref, j'ai peur. Kennedy me fait flipper. Parfois je me réveille la nuit en me demandant si je n'ai pas entendu une porte claquer, si ce n'est pas la police qui est venue pour me virer. Ouais, comme un gosse. Je sais pas, je suis terrorisé.



Comment avez-vous vécu l'annonce de votre différence ?



Charles Xavier est resté planté sur le porche de la maison pendant une bonne demie-heure, le temps de convaincre ma mère par porte interposée qu'il n'était pas venu pour la tuer, qu'il était là pour aider, qu'il avait des choses à dire sur son fils. Son fils, ou ce qui restait du cadavre de gosse prometteur, enfermé dans sa chambre parce que personne ne savait quoi faire d'autre – on n'aime pas les mutants, dans la famille Turner, on ne les a jamais aimés et on a fêté l'élection de Kennedy avec une belle dinde du traiteur.

Une fois l'étape passée il a convoqué tout le monde dans le salon, ignorant avec un calme sage les protestations virulentes de Maman. Et j'avais un peu honte, soudain, pour la première fois, d'exposer ma famille à un visage aimable tandis qu'elle se montrait dans ses traits les plus sombres. Le Professeur était doux, calme, les insultes semblaient à peine le frôler. Il me regardait avec une forme de malice, une intention de réconfort, comme s'il n'en était pas à son coup d'essai – et ouais, clairement, avec le recul, je me dis que c'était le cas. Je n'ai rien dit. Je me suis assis dans le grand fauteuil qui était d'ordinaire réservé à mon père, j'ai tenté d'ignorer combien mes parents étaient proches et tactiles sur le canapé, vissés l'un contre l'autre pour se soutenir. Sans moi.

Je ne me souviens plus de grand chose, ensuite. J'étais un peu ailleurs. Ma mère a pleuré, sans voix, sans mots, juste des larmes noires qui dévalaient ses joues et ruinaient son maquillage. Mon père l'a enserrée d'un bras fort, sa poigne juste un peu trop crispée tandis qu'il fermait doucement les yeux, comme accablé. Le parfait portrait de la famille endeuillée. Sauf que j'étais là.

Je crois qu'on savait déjà tous ce qu'il allait dire mais que ça nous a mis un coup quand même. Au final, ça ne m'a pas vraiment fait mal. Pas ça, en tout cas. Charles Xavier a quelque chose de rassurant, un truc dans le regard qui dit « ça va aller », et j'avais besoin de le croire. Non, l'annonce elle-même, je m'y attendais. Ce qui brûle, c'est le regard que mes parents me portent, le fait de ne pas avoir pu les toucher, c'est savoir que je suis devenu un sujet tabou lors des dîners d'affaires et des meetings politiques. C'est d'être certain qu'on emploiera « monstre » pour me qualifier et qu'ils ne nieront pas.



Comment vivez-vous votre différence aujourd'hui ?


Je ne sais pas. Je veux dire : j'ai l'impression d'être en état de choc depuis deux semaines. Tout va trop vite. On n'est pas censé développer de pouvoir comme ça, d'un coup, si ? J'ai l'impression que ma vie a fait un virage à 180° sans moi et que je suis planté comme un con au carrefour depuis, à attendre bêtement que mon existence retourne dans sa trajectoire initiale. C'est insupportable, injuste. J'alterne entre des moments de colère et des passes de tristesse, j'ai l'impression que mon avenir est à la poubelle, je...
Ouais, nan, c'est pas la joie. Mais la plupart du temps, je suis perdu dans le flou, je me balade dans mon existence sans vraiment ressentir quoique ce soit. C'est peut-être le choc, c'est peut-être parce que c'est plus simple, je ne sais pas et je m'en fous un peu. J'ai juste envie que ça s'arrête. Je voudrais me réveiller. Sauf que, ouais, c'est pas un cauchemar, c'est juste ma vie qui en a pris l'apparence.



Quel est votre niveau de maîtrise ?


Parce qu'on peut maîtriser ces choses-là ? Dans ce cas, j'en suis loin. J'en suis très, très loin. La dernière fois que j'ai touché une plante, je l'ai entièrement desséchée. Intégralement. D'un coup. Je voulais juste la caresser, moi !

Quel est votre niveau de puissance, selon vous ?


Je... Je crois qu'on m'a dit que j'étais niveau 4. C'est que j'arrive à faire bouillir des surfaces assez... imposantes, d'eau. Ce n'est pas la piscine des sous-sols qui vous dira le contraire, ha... Ne dites pas que je me suis évanoui quand j'ai fait ça, s'il vous plaît, j'aimerais ne pas m'humilier dès mon premier jour de cours.
 
Caleb Turner


« Une goutte d’eau suffit pour créer un monde »

Plongeon. Impact. Caresse. Il glisse sous la surface en un chuintement presque silencieux, ondule dans l'atmosphère soudainement dense. Son corps est une vague dans l'immobilité de ce royaume de néant, pourtant ils s'épousent, pourtant ils s'embrassent. L'eau frôle sa peau nue, caresse ses doigts tendus vers l'avenir. C'est une danse fascinante qui s'opère dans la transparence bleuté de la piscine. Il remonte progressivement, cherche tout de même à prolonger la sensation grisante, qui le complète et l'apaise. Le monde est moins vide, le monde est moins vaste, il l'enserre de tous les côtés comme une étreinte, semble presque le protéger. Il est seul, ici, loin du brouhaha de la vie et de ses exigences, loin des regards appuyés et des attentes sur ses épaules. Il n'y a pas de pesanteur, ici, alors ses ailes peuvent se déployer sans crainte. Liberté. Les bulles grimpent, tentatrices, et il les suit sans avoir le choix. Les profondeurs lui manquent dès qu'il prend une inspiration. Son bras cueille la vitesse, la distance, accélère son parcours. Le son si particulier du liquide envahit son espace, comble ses failles et l'aide à avancer plus loin, plus vite. Les mouvements sont fluides, les gestes sont précis. Il est comme mêlé à l'élément, ne fait plus qu'un avec l'eau.

Lorsque ses doigts touchent le mur, la première sensation qui lui vient, en une gifle, en un claquement, est la frustration. Ses pieds rentrent en contact avec le sol ; la bulle éclate. Il sort la tête de l'eau.

« ET OUIIII ! CALEB TURNER, C'EST CALEB TURNER QUI EMPORTERA LE TROPHÉE CHEZ LUI CE SOIR !!! »

Le brouhaha le heurte presque physiquement. Il bat des cils, remonte ses lunettes. Les hurlements de la foule percent le sifflement de ses oreilles. Tellement de bruits... Il se détourne, regarde les autres arriver. Tout se joue à quelques secondes. Même muret, même geste, un instant d'écart. Caleb vient de devenir le champion de nage libre du Maine.

La transe s'estompe. Il s'extirpe du liquide, presque à regret, désorienté mais heureux, le cœur vide et ému pourtant, le corps fatigué mais le regard brillant. Il trébuche en riant, accepte la serviette avec un sourire aussi grand que son monde. Les gouttes serpentent le long de sa peau exposée. Il court, ravi, vers son coach extatique, vers ses parents hystériques. On lui donne une tape dans le dos, on l'étreint, et il rit d'un plaisir qu'on ne peut contenir, l'âme chantant la joie qui explose de sa poitrine.

« Je l'ai fait, Papa, je l'ai fait ! »

L'homme rit, serre plus fort contre lui son fils trempé, se moque que l'eau dont il est encore couvert ruine son costume hors de prix.

« Je suis fier de toi, Caleb, j'ai toujours su que tu y arriverais. Je suis tellement fier de toi. »

***

Le lycée est un long fleuve tranquille, battu de temps à autre par les tumultes de l'amour ou des déceptions amicales ; Caleb est un populaire parmi les populaires, en a conscience et en joue sans en abuser, sourit à ceux qu'il croise pour mieux être adulé. La sensation lui plaît, il préfère la jalousie à l'indifférence ; Papa dit aussi que c'est bon pour sa campagne. Ce dernier point ne lui parle pas plus que ça, pour autant y parvenir est satisfaisant pour tous et difficile pour personne. Caleb n'a pas besoin de grand chose : il est plutôt doué en cours, excellent sportif et mignon, il le sait, il en a conscience. Les filles ont la tchatche facile avec lui, les relations s'enchaînent et ne se ressemblent pas. Il aime les embrasser dans la pelouse qui borde le lac, allongé à regarder les nuages, à passer ses doigts dans leurs cheveux pendant qu'elles se penchent sur ses traits poupins, qu'elles murmurent à son oreille qu'elles le trouvent beau. Il rit alors, répond qu'elles le sont davantage, laisse son cœur chanter leurs louanges en sachant qu'elles seront parties le mois suivant. Caleb a un peu de mal à se poser, même si ce serait mieux, même si ce serait plus acceptable, moins stupide, plus mature.

« Tu penses à quoi ? »

Un doigt calleux parcourt son nez, descend à ses lèvres, les caresse jusqu'à les déformer d'un sourire.

« A toi. », répond-il, naturel, fluide, toujours.
« Menteur. »

Les regards se rencontrent et la fumée de cigarettes part à l'assaut de ses narines, en un souffle, en un soupir amusé qu'il s'empresse de nier. Il n'a pas l'occasion pourtant de protester : sa bouche est couverte d'une autre, des doigts s'accrochent à sa chemise et l'attirent contre un corps. Il glisse son bras sur l'épaule amicale.

« J'ai dit : menteur.
- Je mens pas, Lucas...
- Si. »

Une moue s'empare de ses traits mais il n'a pas le cœur de persister. Lucas. Pas une fille, pas au lac, derrière le local à poubelles, contre l'échelle de sécurité. Lucas. Pas une bonne famille, pas une bonne réputation, mais un putain de charisme et une soif d'explorer, stupide mais pas si incongrue, pas si désagréable. Il pose son filtre entre ses lèvres et Caleb inspire, obéissant, la nicotine qui enfume ses poumons. Une quinte de toux le prend, puis un fou rire, commun, qui se répand dans le ciel comme une trainée de liberté. Il se demande pourquoi il a honte, soudain, se demande pourquoi il n'ose pas embrasser Lucas au lac, sur la pelouse, avant d'aller se baigner dans l'eau trop froide, pourquoi il n'ose pas l'emmener chez ses parents pour dîner comme toutes les autres. On est en 2020 non ? Pas de raison d'appréhender. Pas de raison de se cacher. Ça ne lui ferait pas perdre de popularité, il en est persuadé.

Mais son père veut devenir maire, son père a des ambitions de sénateur parfois, son père veut mener sa carrière et Caleb ne dit pas, Caleb ne dira jamais ce qui pourrait projeter une ombre sur l'homme qu'il admire plus que tout. Il se tait donc, ne prononce pas les mots qui brûlent sa langue, s'engouffre dans un autre baiser pour étouffer ses angoisses. Personne ne sait, pour le local à poubelle, personne ne doit savoir.


Quelques semaines plus tard, lorsque Lucas lui dit « je t'aime », il se fige et se mure, dans le silence, dans le vague, dans le vide. Un rire retentit, amer, dégueulasse. Haine. Rancune. Son regard est brûlant.

« Ouais, je m'en doutais. »

Lucas se barre, Lucas se casse, Lucas part du lac où il avait été invité au soir, lorsque l'affluence descend et que plus personne ne s'y rend, emporte avec lui un bout de son cœur et le jette en passant. Caleb regarde le pique-nique, la surface tranquille de l'étang que le crépuscule rend frais. C'est la première fois qu'il sanglote pour une histoire d'amour, recroquevillé sur la pelouse, les orteils gelés par l'eau qui tente de le réconforter.

***

Caleb se remet un peu trop vite de sa peine de cœur, mais ne prend pas le temps d'y réfléchir. L'été arrive, les vacances bourgeonnent, il passe ses journées dans la piscine familiale et y organise quelques soirées pour combler le temps qui le sépare de son voyage aux Bahamas. Première cuite. C'est plus drôle dans les films, en conclue-t-il le lendemain, lorsque son crâne se venge et qu'il passe la journée à traîner en pyjama chez lui, nauséeux et endolori. Sa nouvelle copine lui dit de prendre soin de lui, il l'embrasse et passe à la suite. Elle, il l'aime un peu moins que les autres, même s'il tient à elle. Pas trop d'étincelle, leur relation tient davantage du lac placide que de l'océan fougueux. Ça lui va comme ça, même s'il s'en veut, même s'il a la sensation de l'utiliser. C'est qu'il commence à se faire une réputation, à force, une réputation de mauvais petit copain, de mec qui se lasse plus vite qu'il ne nage, une réputation qu'il n'est même pas certain de pouvoir nier.

Il part pour la première fois en camping avec ses amis, cet été là, un groupe de gosses populaires qui se suivent depuis la maternelle, enfants des bons parents, héritiers des bonnes familles, porteurs des mêmes fardeaux et meneurs des mêmes vies faciles. Ils parlent de tout, de rien, des études et du futur, du sexe et des filles, des aventures et des rêves secrets, ils se baignent tard le soir dans les rivières glacées et se prélassent sous le soleil estival. Caleb pense que son existence est simple ; il a raison.

Puis vient la rentrée.

***

L'odeur du chlore, familière, devenue agréable par la force de l'habitude, picote ses narines pour la première fois depuis trop longtemps, et il est heureux de pouvoir sentir contre son torse l'eau qui s'agite. Ses doigts le démangent de plonger, de nager, il a envie de s'immerger maintenant, de ne pas attendre la fin des interminables encouragements du coach pour profiter. Ses lèvres s'agitent en silence, signe d'impatience, se plient et se déplient d'un côté à l'autre. Son regard ne décolle plus des vaguelettes que provoquent les gestes de la petite dizaine d'élèves rassemblés dans la piscine du lycée.

« Allez, je vois bien que je vous fais chier... On fait demi-tour et on nage les enfants ! Chacun sa colonne, vous me faites une dizaine de longueurs pour commencer ! »

Un grand sourire naît sur le visage de Caleb, qui trépigne presque en s'extirpant de la piscine. Inspiration, expiration. Il s'approche du plongeoir, grimpe en un mouvement souple, rapide. Il enfile ses lunettes, réajuste son bonnet de bain. Ses mains se placent devant ses épaules rentrées, posture cent fois répétée. Il observe, une seconde, puis une autre. Saute.

L'eau l'avale en silence, estompe le bruit, avale ses soucis. Le garçon ferme les yeux un instant, savoure la sensation. Ça fait trop longtemps, vraiment. Son corps s'agite lentement sous la pression spécifique de l'atmosphère. Ses hanches ondulent tendrement contre le courant, entre ses doigts glisse la matière adorée. Il noie ses émotions dans le liquide. Ce sont toutes les choses qu'il ne sait pas dire, qu'il n'ose pas exprimer, tous les sentiments dont il ne sait pas quoi faire. Là, il s'autorise à ressentir, à peser, à sortir les émotions qu'on l'a accusé de ne pas posséder, il y a deux semaines, lorsqu'il a cassé avec sa copine. Là, il peut tout faire, tout crier, tout montrer. Personne n'entend, personne ne voit. La sensation est grisante. Elle l'envahit et comble les trous de sa carapace avec une plénitude bien réelle, lui offre une étreinte sans jugement, sans attente. Caleb ne peut s'en passer, ne veut pas s'en départir. Il tire un peu trop sur ses poumons pour ne pas remonter, jamais.

Puis soudain une voix, torturée, déchire le silence apaisé.

« CALEB PUTAIN !!! »

Sursaut. Il relève les yeux et devine la forme du coach sous la surface, remonte d'un bond par crainte de son courroux. Quelque chose cloche. Le calme est rompu. Son cœur bat la chamade, il enlève ses lunettes, regarde le visage déconfit de son professeur avec incompréhension.

« Q-quoi... ? »

Sans trop le comprendre, il fatigue, il faiblit. Ses yeux papillonnent, son interlocuteur s'agite.

« CALEB, LA PISCINE !!! »

C'est là qu'il entend. C'est là qu'il comprend. Son attention glisse lentement vers la surface de l'eau, dont le silence est remplacé par le claquement caractéristique de bulles qui remontent et éclatent, par dizaines, par milliers.

« Q-qu... »

Ses doigts remontent doucement vers la surface capricieuse de la piscine, dont émane une fumée blanche, dense, qui colle aux fenêtres et pollue l'atmosphère, la rend irrespirable. Le bruit bouillant résonne désormais dans ses oreilles comme une massue. Il ne peut s'échapper. Il ne peut fuir. La vérité est là et s'imisce dans son esprit à coups de glaive. Caleb fixe la scène, hypnotisé, sa respiration s'écrasant contre sa gorge à un rythme croissant tandis qu'il recule. Il est horrifié. Il est désespéré. Il ne comprend pas. C'est impossible. Il n'a même pas mal. Il n'a même pas trop chaud. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas...

« C-c-c... N-non... C'est... »

Il relève les yeux vers le coach, cherchant sur ses traits un signe rassurant, ouvrant la bouche pour parler sans savoir quoi dire. Des larmes se sont frayées un chemin jusqu'à l'orée de son regard, menacent de dévaler ses joues déjà trempées. Il refuse de croire à tout ça. Ce n'est pas réel. Ce n'est pas réel. Ce n'est pas réel.

Des râles interrompent ses songes. Il fait volte-face, cherche la source du son si pénible, si douloureux qui écorche ses tympans, essaie d'ignorer le tambour de son cœur contre sa cage thoracique, soudainement trop petite, trop serrée. Il étouffe.

Manque de vomir.

De l'élève allongé sur le sol, il ne voit que la jambe. Refuse, refusera de distinguer le reste. Une énorme cloque pourpre s'installe sur le mollet vulnérable du garçon qui grogne, gémit, hurle par moments. Les secondes sont éternité, chaque son est un supplice. Un hoquet d'horreur le transperce. Il plaque ses mains contre sa bouche.

« Non.... Non non non, j'ai pas fait ça, j'ai rien fait, je vous jure, je vous jure, je comprends pas... »

Le coach se penche par dessus la piscine. Il lui tend une main. Ça doit brûler. Ça doit forcément brûler. La vapeur est plus dense qu'auparavant. Le bruit de bouillonnement est assourdissant. Caleb enserre ses biceps de ses mains tremblantes, observant l'homme sans le voir, comme Ailleurs, comme perdu.

« Caleb, Caleb j'ai besoin que tu te calmes ok ? Ok ? »

Il secoue la tête tandis qu'un sanglot secoue ses épaules. Ses mains se crispent sur son visage, les ongles dérapent sur la peau glissante. Il inspire mais ne parvient pas à respirer. Son souffle coince. Il recule d'un pas. Le brouhaha de chaleur redouble d'intensité. Caleb voit double. Ses bras perdent en vigueur. Ses paupières papillonnent. Il se dit que c'est la panique.

« CALEB !! CALEB ATTRAPE MA MAIN ! MAINTENANT ! »

Seul parvient à ses oreilles le son d'une voix, terrorisée, qui murmure à son téléphone des vérités qu'il n'ose pas penser. Sa poitrine brûle. Il pleure plus fort, ignore le coach, refuse de comprendre, refuse de croire, refuse de penser. Ce n'est pas vrai.

« C'est pas vrai... C'est pas vrai, c'est pas vrai... Dites-moi que c'est pas vrai...
-Viens, gamin, allez, s'il te plaît, respire... Respire... »

La fumée est si dense qu'il peine à voir au travers. Ses jambes fléchissent. Il a trop chaud. Ses poumons sont en feu. Ils ne fonctionnent plus. Ils n'arrivent pas à fonctionner.

« Venez vite, s'il vous plaît, venez vite... Il y a des blessés... »
, murmure la voix, lointaine désormais.

L'image de la cloque percute son esprit de plein fouet. Il plante ses paumes dans ses yeux si fort qu'il s'en fait mal, hurle un sanglot, recule de nouveau, se replie sur lui-même à mesure que son corps le lâche. Il veut dormir. Il veut oublier. Il veut fuir.

« CALEB !!! PRENDS MA MAIN, MAINTENANT, C'EST UN PUTAIN D'ORDRE !!! »

Sursaut. Il lance un regard désespéré au coach, secoue la tête, refuse, craint, désespère. Pourtant ses doigts se tendent, réflexe de l'obéissance, obligation du respect. Caleb n'en peut plus.

« C'est bien... C'est bien... Approche et donne-moi ta main... »

Un pas. Un second. Le bras cherche, tremblant et faible, alors qu'autour de lui s'apaise la piscine en furie. Il trébuche. Son biceps tombe dans la paume du professeur.

« Putain... »

On le hisse brusquement hors de l'eau, d'un geste précipité et douloureux. Un cri. Souffrance. Le contact du carrelage glacé contre sa peau. Il sait que quelque chose se passe. Il ne comprend pas. Il ne sait pas. Caleb tente de s'excuser, de tendre les doigts, d'apaiser. Un trou noir s'est formé au creux de sa vision. L'angoisse se renouvelle. Il tente de parler.

Sa main se relâche dans la gouttière glacée. L'esprit cède. Caleb ferme les yeux et ne les ouvre plus.


***


Son père a fêté l'élection de Matthew D. Kennedy. C'est la première chose à laquelle il pense lorsqu'il se réveille, prisonnier du souvenir qui remonte et le torture. Son père a fêté l'élection de Matthew D. Kennedy avec une vieille bouteille de champagne sortie de la cave, un grand sourire fier aux lèvres, levant son verre en l'honneur d'une Amérique plus sécuritaire. Son père veut devenir maire, peut-être sénateur un jour, tout en se revendiquant du parti politique de l'homme qui prône la fin des mutants. Et jusqu'ici, ça ne le dérangeait pas plus que ça. Il n'y pensait plus. C'était plus simple comme ça. C'était plus facile de ne pas contredire, de ne pas risquer l'affrontement.

Caleb ouvre les yeux sur l'image terrible de la cloque sur la cuisse de son camarade de classe, un sanglot déjà coincé dans sa gorge, son bras replié contre sa bouche dans un effort pour retenir son cri. Une inspiration saccadée troue le rythme apaisé de son sommeil. Il entend les chaises d'hôpital grincer sous l'impulsion de corps qui se tournent vers lui. L'envie le brûle de refermer les yeux, de s'enterrer dans le sommeil, d'oublier encore un temps la réalité qui le brise. Il se mord la lèvre, espère.

« Maman... ?
- Oui, mon ange, c'est moi, c'est moi... Regarde-moi... »

Elle n'a pas pris sa main. Elle ne l'a pas touché. Caleb ne sait pas s'il en a envie. Il se redresse doucement, le visage déjà teinté d'angoisse et de tristesse, force sur ses bras affaiblis pour prendre place contre le mur. Une infirmière clique sur le lit qui doucement s'incline. Elle lui sourit, il ne trouve pas la force de répondre.

« Caleb, je m'appelle Martha. Tout va bien ? »

Pas de réponse. Il n'a pas le courage de mentir.

« Tu dois te sentir un peu perdu, c'est normal mais ce n'est pas grave, d'accord ? Je vais t'expliquer quelques petites choses... »

Un temps de silence. Sa gorge se serre. Il la regarde, implorant la vérité de rester tue.

« Tu as déjà entendu parler du gène X, pas vrai ? »

Une larme dévale sa joue au nom trop familier et il baisse les yeux, fixe sa couette pâle d'un œil vide. Sa poitrine se crispe et se déverse hors de son corps. Il ne ressent plus rien. Il ne veut plus rien ressentir.

« Mon fils n'est pas un monstre, pour la vingtième fois !
Effectivement, votre fils n'en est pas un, monsieur. C'est un mutant. Ce sont deux choses différentes.
Mon. Fils. N'est. Pas. Un. M-
Georges, s'il te plaît... Laisse la dame parler. »

La lèvre inférieure de Caleb tremble, pourtant c'est le néant dont est envahi son cœur. Il détaille sa couette des yeux, tente de ne pas frémir, retient les sanglots qui naissent dans sa gorge.

« Caleb, écoute-moi. Tu n'es pas un monstre, tu es l'héritier d'un gène très spécial qui te rend tout aussi spécial, d'accord ? »

Il ne répond pas, mord sa bouche pour retenir les pleurs, son regard figé sur les plis de ses draps. Il ne veut pas entendre. Il ne veut pas savoir. Sa cage thoracique le brûle. Il la frotte d'un poing fermé, cherchant à la détendre, à la délasser, à ôter les nœuds qui l'étouffent.

« Caleb... Tout va bien, d'accord ? Tu veux de l'eau ? »

Le raclement d'une chaise. Son père s'est levé et s'est accroupi près du lit, forçant une rencontre de leurs regards. Une seule cause, une même douleur. Caleb a envie de hurler. La grande main rassurante de son paternel ne touche pas la sienne, ne la frôle même pas ; elle se pose sur son genou, couvert par la couette. Il l'observe pourtant avec une intensité presque violente, ses yeux plantés dans les siens avec une détermination sans précédent, avec une volonté de protection qui le rassure d'abord.

« Fiston, écoute-moi bien. Je ne sais pas qui t'a fait ça, et je ne sais pas pourquoi il l'a fait, mais je vais le retrouver, d'accord, et je vais lui faire payer. Et je vais faire en sorte qu'on t'enlève ça.
- Monsieur Turner...
- Non. Non. Y a pas d'Monsieur Turner, mademoiselle. C'est très gentil de le rassurer, mais mon fils n'est pas un mutant, ok ? Mon fils est malade. Mon fils a été empoisonné. Et on doit le soigner, pas le persuader de quelque chose de faux. Caleb, tu entends ? Tu n'es pas un monstre, Caleb. Tu n'es pas un mutant. »

Peine perdue. Ses doigts tremblent malgré la poigne d'acier qu'il tient sur le drap. Un rire hystérique lui échappe, violent, désespéré. Ça racle contre sa poitrine, ça fait mal, et il plaque une main contre sa bouche pour étouffer le premier sanglot qui le dévore. Mais on n'arrête pas sa douleur, on ne l'arrête plus. Caleb plaque ses paumes dans ses yeux, les enfonce à s'en faire mal, pleure parce qu'il n'y a rien d'autre à faire, parce qu'il sait, lui. Parce qu'il a compris.

« M'abandonnez pas, s'il vous plaît, je vous en supplie, m'abandonnez pas, j'y suis pour rien, j'ai pas demandé ça, s'il vous plaît... »

Sa voix est trouée par les échos désespérés de sa souffrance qui brûle, brûle jusqu'à sa gorge. Il pose son front contre ses genoux, se cache à la face du monde, ne veut plus voir personne, ne veut plus entendre le mot monstre, plus jamais. Par un triste jeu du sort, même ses larmes s'évaporent, rendues bouillantes par la détresse qui le ronge.

« Je vous en supplie...
- Caleb, ne l'écoute pas, tu n'es pas un m-
- ON NE DEVIENT PAS UN PUTAIN DE MUTANT PAPA, ON LE NAÎT !!! ON LE NAÎT !!! C'EST PAS UN FOUTU POISON, CA EXISTE PAS !!! JE SUIS NÉ COMME CA!!! »

Le silence retombe, chappe de plomb sur ses épaules fatiguées, troué uniquement par les sanglots qui refusent de s'estomper.

***

« Tu es arrivé, Caleb. »

Il lance un regard placide à la formidable façade de pierre, hoche la tête en silence. Ses pas résonnent dans le hall vide, suivis du glissement singulier des roues du fauteuil roulant. Les yeux du professeur Xavier chauffent son dos, pourtant il les ignore.

« Tu sais, tu es normal ici.
- Je ne serai plus jamais normal, professeur. »

En deux jours, Caleb a perdu l'intégralité de ce qui rendait sa vie facile. Sa popularité n'est plus qu'un triste souvenir, jeté aux oubliettes dès lors qu'est parvenue dans les journaux l'histoire de la demi-douzaine d'élèves hospitalisés par sa faute. Il a été plaqué contre un mur en allant au lycée. On lui a craché dessus dans un couloir. On a gravé un X sur son casier. Et le voici là, à pénétrer l'enceinte de l'Institut Xavier comme on entre dans une prison, désespéré et seul. Un éclat de rire amer lui échappe.

« Plus jamais. »


Dis m'en plus sur toi...
Je m'appelle Gaëlle, j'ai 19 ans, je déconne beaucoup mais vous pouvez toujours venir vers moi en cas de souci alors n'hésitez pas !!
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Caleb - Let the tides come in, and pull me below the surface
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