Ema m'a toujours dit que quand quelque chose était interdit, il ne fallait pas déroger à la règle. Que cela pouvait avoir des conséquences, que si c'était interdit c'était pour une raison. Même si à côté de ça j'avais déjà entendu ema jurer très vulgairement contre quelques lois d'autres pays comme celui où je me trouvais actuellement.
Au fond, je savais qu'elle avait raison : si un batiment était fermé, et vu son état, c'était potentiellement, qu'y entrer n'était pas une bonne idée. Mais je trouvais cela triste que cet endroit fut abandonné. Je voulais lui redonner de la couleur, et que tout le monde y refasse attention, et que, peut-être, on lui redonne vie.

C'était pour cette raison, que même si je venais juste d'arriver à l'institut, je comptais déjà changer les choses. Au moins pour ce bâtiment désaffecté. J'aurais pu prendre avec moi quelques bombes de peintures pour le rendre encore plus beau et coloré, dans le cas où mon pouvoir qui était bien capricieux, refuse de marcher.
Mais je n'avais sur moi que mon sac à dos lapin, et un chouchou pour les cheveux. Il fallait rester prudent ! Et si mes cheveux se prenaient dans quelque chose, je n'avais pas envie d'être coincée. J'attachais mes cheveux et repensait à quelques vidéos d'urbex que j'avais pu regarder avec passion. C'était super intéressant les anciens lieux !

Celui-ci allait être aussi super génial. Je le savais. Je rentrais à l'intérieur, ne faisant néanmoins pas attention si j'étais observé ou pas. Je voulais juste... Déployer mes couleurs. Bien que je savais que pour le moment je ne pouvais pas faire grand chose.
Quel dommage que je ne pouvais pas transformer ce batiment en un fabuleux arc en ciel !

Je soufflais doucement, pénétrant dans l'endroit avec surprise et émotion. J'avais dans mon sac, mon appareil photo, que je me dépêchais de sortir avant de me rendre compte qu'il changeait déjà de couleur. Même mon don était pressé d'agir !
Avec un grand sourire, je fis ma photo et commençait mon exploration. Mon pouvoir se fit un peu plus capricieux, mais de toute façon, à peine avais-je avancé un peu que j'entendis un bruit derrière moi. Je me retournais brusquement ? Tuuli (vent) ? Ou autre chose ?

- Tere ? lâchais-je dans ma langue originelle

Ce n'était pas le vent qui se tenait en face de moi. C'était un être humain, et je crois que je l'avais déjà vu. Bien que je venais d'arriver, et que je ne connaissais pas tout le monde. Mais ce visage m'était familier, et je tentais de me souvenir où je l'avais déjà vu. Je tenais mon appareil dans les mains, et fit un grand sourire. Peut-être qu'il venait m'aider à colorer le bâtiment ! Ca serait super, même si je me doutais que lui il n'avait pas ma capacité. En ce cas, il faudrait prendre de la peinture, et donc j'irais chercher mes bombes ! L'idée me ravit, avant de comprendre que cet homme n'était pas là pour m'aider.
En fait, je crois qu'il me parlait du panneau où il était indiqué de ne pas entrer.
Panneau que je n'avais pas suivi.

J'hésitais un instant. Et si je faisait en sorte de ne parler qu'estonien ou très mal anglais pour m'éviter des ennuis ? Hmhmhm... Non ça n'était pas très gentil. Je fis un grand sourire :

- C'est juste "défense", et puis, j'ai été prudente !

J'indiquais le chouchou dans mes cheveux. Je montrais aussi mes chaussures et mes jambes couvertes, parce que je faisais bien attention. Il ne pouvait pas m'en vouloir. J'espérais. En tout cas, il ne semblait pas très heureux, rouge de colère, comme s'il allait me manger.
Mais moi, je voulais juste rendre le monde meilleur.

- Ce n'est pas "Keelatud", donc je me suis dit que c'était ok. Et bientôt ça ne sera plus "défense" même ! Je vais rendre ce batiment coloré !!

J'avais un grand sourire fier.
J'étais sûr que le monsieur comprendrait ! J'espérais. Mais je voulais vraiment aider, moi....

- Tu veux aider ??

J'espérais que l'idée de m'aider dans mon projet le rendrait plus heureux et drôle. J'étais sûr que oui ! Parce que je ne voulais que du bien à ce bâtiment ! Je ne voulais pas le rendre moins beau, le casser, au contraire ! Bon...Je voulais aussi l'explorer, mais ça c'était parce que ça avait l'air très intéressant et que je me demandais ce qu'il pouvait y avoir dedans. Et j'avais pleins de photos à prendre. Je me rendis compte que je n'avais toujours pas réalisé qui était cet homme.

Et pourtant, j'avais l'impression que s'il se trouvait là, c'était pour une raison autre que m'aider, et que ça avait du sens. C'était contrariant...

[Keelatud = interdit, si jamais xD]

Je ne maîtrisais peut être pas toutes les subtilités de la langue de Shakespeare, mais pour moi, défendu et interdit c'était exactement la même chose. Parler portugais me manquait. J'aimais la fluidité de ma langue natale, ne pas avoir ce léger décalage au moment ou je traduisais dans ma tête ce que mon interlocuteur me disait ou ce que je devais répondre. J'espérais que d'ici quelques semaines tout cela se fasse un peu plus du tac au tac.

En tout cas, cette gamine et moi n'avions pas la même définition de la prudence. Se couvrir et s'attacher les cheveux, ce n'était pas de la prudence. La prudence, c'était ne pas rentrer dans un bâtiment désaffecté parce que l'envie vous en prenait. Elle ne connaissait pas cet endroit. Il pouvait tout aussi bien être pourri de l'intérieur et risquer de s'effondrer sur sa petite tête blonde et vide. Avec ses grands yeux innocents et l'énergie qui l'animait je sentais déjà que la gosse allait me fatiguer. La suite ne fit que confirmer ce que je pensais. Kila-qu'est-ce-qu'elle-racontait ? On plus de ça elle avait un accent de mafieux d'Europe de l'Est. Sur un si petit visage c'était perturbant. Et quand elle m'annonça son grand projet, les bras m'en tombèrent et mes sourcils se haussèrent comme jamais. Elle était sérieuse ? C'était ça, son grand projet ? Mettre de la couleur dans ce tas de ruine ? Inspirer. Expirer. Ne pas s'énerver.

Comme pour chasser un mal de crâne (ou plus exactement mon envie de hurler), je plaçais mes index au niveau de l'arrête de mon nez avant d'opérer un mouvement circulaire. Appelez ça un tic nerveux si vous voulez mais je n'avais pas non plus envie de terroriser la môme. Même si son idée était complètement idiote, cela partait d'un bon sentiment. Autant de naïveté et de pureté, je n'en avais pas vue depuis longtemps et, si une part de moi avait envie de secouer la demoiselle pour lui faire voir la réalité du monde dans lequel elle vivait, l'autre, plus forte en cet instant, voulait préserver cette oasis de candeur. N'empêche, c'était dangereux qu'elle se trouve là sans plus de protection.

Restant sourd à sa proposition, je me contentais de la fixer, le regard inexpressif. Ma colère initiale m'avait certes déserté mais je ne la voulais pas moins hors de ce bâtiment et fissa.

« C'est dangereux ici. Tu comptes faire quoi si ce bâtiment te tombe dessus ? »

J'essayais d'être le plus logique possible. Cherchant à convaincre plutôt qu'à ordonner. Ce n'était pas dans ma nature et putain ce que j'étais nul pour ça. Je ferais peut être mieux de la porter comme un sac de patates sur mon dos et de l’exfiltrer des lieux. Ça c'était plus de mon ressort.

[Alors faut pas me demander pourquoi je passe à la troisième personne du singulier, je sais pas, je saaaaais pas lalala]

L'homme ne semblait pas plus heureux d'entendre le plan de la demoiselle. En vérité, c'était même l'inverse. Il semblait plutôt contrarié, toujours plus. Au fond, Leena en était presque triste, parce que ça voulait dire que cet homme n'était pas très heureux.
Bon d'accord, ça voulait aussi dire qu'il pensait qu'elle n'avait rien à faire là, et qu'au fond, on ne pouvait pas le blamer, puisque Leena n'avait rien à faire dans un bâtiment en passible état de destruction automatique. Mais tout de même !
Ne trouvait-il pas l'idée de mettre des couleurs partout, magnifique ? Quel dommage.

La blonde l'observait toujours avec son grand sourire innocent, et elle l'entendit lui dire que c'était dangereux, et lui poser la question essentielle.

- Oh, euh... Eh bien, il me semblait encore assez.... Fort ! Fort et donc qu'il tomberait pas sur moi ! Non ?

Vraiment. Trop. D'innocence.
Mais au fond, Leena ne pensait vraiment qu'à faire le bien, et déjà elle avait trouvé une parade à cette question qui pouvait frustrer ses plans :

- Je sais !

Souriante, elle toucha d'un seul coup un mur - qui était passablement humide et moche sur les bords - pour rendre un bon bout de celui-ci, orange. Elle n'avait pas trop choisie la couleur, désirant juste montrer son plan :

- Il suffit juste que j'aille très très vite pour changer les couleurs, comme là, mais avec de la vraie peinture, et après rien ne m'arrivera !

Bien sûr. Et si quelque chose lui tombait quand même dessus pendant son "oeuvre", elle ne craignait rien.

- Je peux vraiment pas faire ça ?

Là, tout aussi naïve qu'elle était, Leena usait tout de même de "manipulation" - pouvais-t-on réellement dire qu'une personne comme elle, était manipulatrice ? Rien n'était sûr -
Elle fit donc un air qui aurait rendu jaloux un chat Potté, tant elle grossissait ses yeux, et prenait un air tout triste.
Au fond, l'idée de ne pas pouvoir rendre les murs de cet endroit coloré, la rendait un peu triste, c'est vrai. Mais à ce point ? Pas tant. Mais probablement que la mutante espérait que cela suffise.