Kian | We hide our demons so good, that the angels we show, bare the shame on their faces

Ma vie s'est toujours construite autour du contrôle. Son manque, son développement, son rejet, son absence, sa perte. Il est ce fil conducteur qui semble me suivre partout, discret mais omniprésent. Je ne parle pas seulement ici de mon pouvoir mais de ma vie en général.

Le contrôle, c'est un peu une histoire de famille. Mon géniteur était un maniaque du contrôle. La vie de ma mère et par extension, celle de toute notre famille, ne se concevait qu'en fonction de ses désirs. Chacun d'entre nous faisait partie d'un plan de route soigneusement conçu dès notre naissance. Les étapes de notre développement savamment pensées et calculées. Nous étions son héritage, sa représentation dans le monde. Une extension améliorée de lui même en société. Et, tout comme ma mère devait être l'épouse parfaite, de notre côté, nous devions être les moteurs qui l'élèverait jusqu'en dehors des cortiços  dans lesquels nous étions nés.

Mes ainés n'ont pas tous répondu à ses attentes. Iasmin, la plus âgée d'entre nous a parfaitement intégré les recommandations de notre père, usant de ses charmes pour séduire le riche héritier d'une famille prospère. Pas de quoi concurrencer les  grandes fortunes Brésiliennes mais, pour nous vivre comme les classes moyennes américaines, c'était déjà le luxe. Une fois sa prise ferrée, elle a très vite donner naissance à mon adorable nièce. Mon frère Diego, lui, s'est perdu en cours de route. Ne supportant pas les diktats de notre père, il a disparu un beau jour sans laisser de traces. Laissant derrière lui ma mère en pleurs et mon père qu'il avait fini par cogner. Je ne saurais même pas dire s'il est mort ou vivant aujourd'hui.

Quand à Ana. Ana est mon premier regret. C'était la personne la plus brillante que j'ai jamais rencontré. Scolairement bien sûr mais pas seulement. Rien ne semblait lui échapper. A 17 ans, elle semblait capable de comprendre le théorème le plus complexe avec une facilité déconcertante. Elle avait décroché une bourse d'étude pour une université américaine. Elle aurait du mener une vie bien différente mais le destin, cette garce cruelle en avait décidé autrement. J'avais seize ans quand elle est morte sous mes yeux d'une balle perdue lors d'une vague querelle de territoire entre gangs. Scène banale de violence urbaine quotidienne à Rio. Seulement cette fois, nous rentrions de l'école au mauvais moment. Cette rue n'était pas moins sûre qu'une autre. C'était totalement absurde et pourtant... Ana était à terre, couverte de sang, la vie ayant déserté ses jolis yeux alors que je me tenais là, à à peine plus d'un mètre d'elle, entouré d'une sorte de dôme chatoyant. C'était la première fois que mon pouvoir se manifestait. Un bouclier. La protection ultime. Pourtant, il n'avait été d'aucun secours pour ma sœur.

Je n'avais jamais été un gamin particulièrement calme mais après ça, je cherchais la bagarre en permanence. Je m’entraînais jour et nuit pour améliorer mon pouvoir, le plier petit à petit à ma volonté, cherchant à étendre ou au contraire à restreindre le champ d'action de mon bouclier. Je me mettais en danger pour ça. Provoquant les membres de gangs, les terrorisant avec mon pouvoir avant de les battre comme plâtre. Je me prenais pour une espèce de milice à moi tout seul. Et c'est comme ça que je les ai trouvés. Les Pacificateurs. Ou plus exactement le Bataillon des opérations spéciales de police  . Ils avaient vu ce dont j'étais capable. J'ai intégré leurs rangs, ils m'ont formé au tir, au combat urbains, à différentes formes d'arts martiaux. L'armée ce n'est déjà pas une partie de plaisir mais ce bataillon là... C'était l'Enfer. J'ai du apprendre le respect, à fermer ma grande gueule et surtout, surtout, à ne former qu'un seul homme avec mes frères d'armes. A chacune de nos sorties, nous mettions nos vies dans la balance. Grâce à mon bouclier que je maîtrisais de plus en plus au fil des années, mon équipe avait le meilleur taux de réussite. Je n'y étais pas le seul mutant. Celui qui était devenu mon meilleur ami l'était aussi. Il avait le don de prescience et, à nous deux, nous étions invincibles. Il savait avec 10 secondes d'avance à quel moment je devais dresser un bouclier autour de notre unité. Lui restait en arrière, le dôme entre lui et nos assaillants de façon à bénéficier de sa protection sans en subir les inconvénients. A nous deux, nous étions invincible et l'éradication des gangs devenait notre terrain de jeu. Nous nous prenions pour des Dieux et la chute n'en fut que plus rude. Car l'autre côté aussi avait des mutants dans ses rangs. Nous n'étions pas des Dieux. Nous n'étions que des humains à un stade différent d'évolution. Et surtout nous avions oublié que nous n'étions pas seuls au monde.

C'est ce jour là que tout à basculé et que la petite vie bien rangée que je m'étais construite pour moi même, cette vie qui satisfaisait aussi l'ego surdimensionné du paternel, vola en éclat. Je n'ai jamais pu savoir quel était le don exact de ce mutant, toujours est-il que la prescience d'Alvaro n'avait servi à rien. Un instant il racontait l'une des blagues idiotes dont il avait le secret et celui d'après, une rose rougissante s'épanouissait au milieu de son crâne. Un tir à bout portant, à l'arrière du crâne, quelques centièmes de secondes avant la fusillade. Nos camarades étaient devenus trop confiants. Nos dons les avaient rendu moins alertes. Ils sont trop nombreux à être morts ce jour là. Incapable de supporter la culpabilité, de regarder leurs veuves et leurs enfants dans les yeux, enterrement après enterrement, après enterrement, j'ai raccroché mon insigne pour mieux m'enfoncer profondément dans la dépression.

Après des semaines à me morfondre, j'ai fini par canaliser mon agressivité dans un club de boxe. Oubliant ma mutation pour me concentrer sur le combat pur. Le propriétaire des lieux fini par remarquer ma hargne et me proposa de rejoindre des combats un peu spéciaux qui se déroulaient deux fois par semaine dans les sous sols de son établissement. Il n'y avait pas de temps maximum, pas de rounds, pas de règles. Le combat ne cessait que par l'abandon d'un des combattants ou lorsque l'un d'eux s'évanouissait. Dante, le propriétaire des lieux, aimait le sang et la violence mais il ne forçait personne à participer. Il ne voulait pas de morts non plus. C'était déjà arrivé par le passé et il considérait que le jeu n'en valait pas la chandelle. J’enchaînais les combats comme un drogué les fix. J'étais un junkie de  l'adrénaline. Je gagnais la plupart du temps et j'adorais assister aux combats même quand je ne participais pas. C'est comme ça qu'un beau jour, j'ai pu voir un mutant péter les plombs en plein pendant un de ses combats. Il s'est mis à répandre des décharges électriques tout autour de lui jusqu'à toucher les spectateurs. Je les entourais de mon bouclier protecteur jusqu'à ce qu'ils puissent rejoindre la sortie avant de retourner vers le type jusqu'à l'inclure dans mon dôme pour que l'explosion de son pouvoir cesse enfin. Depuis l'escalier, Dante n'avait rien raté de la scène. C'est ainsi que naquit son grand projet. Les combats clandestins de mutants. Et, pour réaliser cette ambitieuse opération, il comptait bien sur mon assistance pour assurer la sécurité des 'clients'.

Je l'avais laissé décidé de ma vie. Quelque chose en moi c'était éteint et j'étais devenu un être cynique et désabusé. Un connard, je n'ai pas peur de le dire. J'avais fini par couper les ponts avec ma famille, me contentant d'envoyer une carte accompagnée d'un cadeau d'anniversaire à ma petite nièce. Je surveillais son évolution de loin. J'avais toujours été dingue de cette môme. Les combats de mutants rapportaient. Un bon paquet de fric en fait. C'est dingue comme ces hommes qui criaient aux monstres étaient en fait fascinés par nos pouvoirs. Ceux qui les craignaient le plus en était en réalité incroyablement jaloux. On exploitait ce besoin, cette envie. Et on faisait en sorte que tout le monde y gagne. Les combattants le faisaient par choix et étaient grassement rétribués pour le show. Parce que, comme le catch, c'était au fil du temps devenu un spectacle plus qu'un combat. Quand cela dégénérait, je reprenais mon rôle d'arbitre tant pour protéger la foule que pour calmer nos poulains.

J'avais fini par me faire un nom dans la capitale mais mon cœur était toujours aussi vide. J'appliquais à présent un contrôle parfait sur toutes mes émotions. J'étais quelqu'un de sombre qui ne se livrait jamais. Mes relations restaient éphémères et là aussi, je contrôlais tout. Car si je n'avais pas choisi la vie que je menais actuellement, derrière les portes closes, j'étais seul maître à bord. Et personne ne s'en était jamais plaint. La confiance que supposait le fait de lâcher les rênes, même pour un instant, ne venait jamais alors au bout de quelques semaines je passais à autre chose.

J'ai continué comme ça pendant plusieurs années. Tout dans ma vie était devenu automatisme et je n'y trouvais plus le moindre plaisir. C'est à ce moment là qu'il m'a contacté. Charles Xavier. J'ai commencé par lui rire au nez avant de faire le bilan de ma vie. Puis, sans vraiment réfléchir, j'ai accepté son offre de venir m'occuper de la sécurité dans son Institut et de donner des cours à ses éléments incontrôlables. C'était un pari comme je n'en avais plus pris depuis bien longtemps. J'avais donc laissé les commandes de ce qui avait été notre empire à Dante et j'avais pris le premier vol en partance pour les Etats Unis. Cette nouvelle aventure semblait aussi prise de  tête que l'ancienne mais j'étais néanmoins curieux de savoir quelle sorte de pouvoirs étaient cachés dans ce lieu mystérieux