« Hell's Bells »
Taylors Landing, village paisible du comté de Jefferson au Texas. Communauté très pratiquante qui prône la haine des mutants depuis deux générations. Parmi ses figures majeures, John Hamilton, pasteur de l'église protestante évangéliste qui rythme les prières des habitants avec ferveur et dévotion.
A ses côtés, en fidèle des premières heures se tient son épouse, Cate Hamilton, mutante de son état. Seule et unique au cour de l'histoire de Taylors Landing à afficher au grand jour sa condition.
Nulle raison de se réjouir quand à une possible ouverture de la communauté cependant, elle n'est rien de plus qu'un instrument au service des convictions religieuses de son mari. Profondément croyante et élevée dans une communauté religieuse rigoureuse, Cate se considérait elle même comme un instrument du diable, ses dons offerts par le malin pour la mettre à l'épreuve. Chacun de ses choix de vies, jusqu'à son mariage, avaient été fait dans le but de se repentir. Elle accordait une confiance aveugle à son époux qui dirigeaient sa vie d'une main de fer et lui avait offert d'atteindre ce qui lui demeurait inatteignable : une guérison.
Nul miracle cependant, John Hamilton n'était pas un saint. Sa femme étant ce qu'on appel une technopathe, son traitement consistait à éliminer n'importe quel appareil technologique de son environnement ainsi que la pousser à des prières régulières et éprouvantes chaque jours. Cependant la chose suffisait amplement au pasteur et à ses paroissiens pour considérer que Cate Hamilton avait été guérie grâce au pouvoir de sa foie et à la bienveillance de son époux. Il était aisé d'y croire, rien ne permettait à son don de se manifester.
Sa mère était la plus grande honte d'Ezéchiel. Eduqué avec application dans les préceptes de son église, « Ike » méprisait les mutants. Gamin turbulent et agressif, avec sa bande d'amis ils sèment la pagaille dans le village à la moindre occasion, leur jeux préféré nommé « la chasse au monstre », consiste a se choisir un bouc-émissaire, l'insulter, le harceler, le bousculer pour qu'il craque et révèle ses pouvoirs. Les critères de sélection pour être choisis en tant que cible étaient simples, si votre tête ne leur revenait pas, vous étiez sans doute un démon.
Ses frasques étant régulièrement rapportées à son père, Ezéchiel a rapidement prit l'habitude des corrections. Gifles et coups de ceintures claquent dans l'air à chaque insolence, et pourtant, il recommence. Il faut dire que les marques partent vites, papa n'a pas la main lourde avec son précieux fils unique.
Puis maman tombe enceinte à nouveau. La grossesse est compliquée, l'accouchement, sanglant. Elle passe l'arme à gauche, ne laisse derrière elle que Lydie, blondinette aux grand yeux clairs. Ezéchiel n'a que dix ans mais il comprend rapidement que l'éducation de la gamine va lui revenir entièrement. Papa n'a jamais été un grand amoureux des femmes, les considères inférieures - charmante pensée d'ailleurs transmise à son fils ainé – elles ne servent qu'à donner naissance aux hommes alors une fille ? A quoi bon l'élever ? Sa femme est morte, c'est la faute de la petite, elle ne mérite pas la moindre once d'affection.
Heureusement pour Lydie, Ezéchiel tombe sous le charme, et bien que dévasté par la mort de sa mère, il prend sur lui de s'occuper de la petite dernière. Cette nouvelle charge a le don de calmer le garçon ; il cesse de passer ses journées à retourner le village et traumatiser ses petits camarades pour se consacrer à elle.
Cinq ans plus tard, c'est le drame : Lydie a des pouvoirs.
Une véritable malédiction, à croire que le sort s'acharne sur les demoiselles Hamilton, les dotants de dons qui corrompent leurs âmes. Soucieux du bien être de l'enfant, il tait cette terrible vérité à son père, ce dernier a la main bien plus lourde sur les sanctions depuis le drame, il est hors de question que sa colère s'abatte sur sa cadette.
Commence une partie de cache-cache aux enjeux sinistres, elle peut évaporer l'eau ? Pas de piscine. Pas de point d'eau. Il lui dit, lui répète ; elle apprend, elle récite « N'en parle à personne. Ne l'utilise pas. Papa ne t'aidera pas. ». Il la surveille de près, ne la laisse jamais seule avec le paternel, choisis avec soins ses amis, les pioches parmi les plus faibles, ceux aisément impressionnables en cas de débordement.
« Joyeux anniversaire Ike »
Dix-sept ans, un événement. D'autant plus lorsque le gêne mutant s'invite à la fête.
Le déni prime dans les premiers temps. Il peut juste sentir les émotions fortes, simple empathie faiblement développée, connaître la détresse de quelqu'un avant de le voir, peu importe. Il ignore la sonnette d'alarme, se dit que ce don est bien trop faible pour avoir un impact sur sa vie. Après tout, ce n'est pas quelque chose de physique comme sa mère ou sa sœur.
Peut-être est-ce une punition ? Qu'il n'est pas vraiment un démon, que le Seigneur le châtie pour avoir menti. Pour avoir protégée durant toutes ces années un suppôt de Satan. Lydie est un monstre, ça fait d'elle quelqu'un de mauvais. Il l'a caché à son père, leur pasteur, il mérite une punition, c'est évident.
Jusqu'au jour où saint Ézéchiel se prend un râteau.
Une petite prétentieuse qui ose lui dire non sous le prétexte vaseux qu'il n'est qu'un « connard sexiste qui s'amuse à maltraiter les plus faibles. » L'affront est très mal prit de la part d'Hamilton qui le jure devant Dieu à ses amis : d'ici un mois, elle lui mangera dans la main.
Il ne pensait certainement pas que cet élan d'égo était celui qui allait offrir à son pouvoir un échauffement particulièrement efficace. A chacune de leur entrevues, la demoiselle semble prise de sentiments contradictoires, énervée lorsqu'elle le voit, mais dès qu'il la touche soudainement hypnotisée par son charme. Les jours passent, puis les semaines, nul besoins désormais de toucher la belle, juste à fixer son regard sur elle pour qu'elle se sente obnubilée par le jeune homme. Avec deux mois de retard le pari est gagné : elle est complètement obsédée, et Ezéchiel laisse derrière lui sa culpabilité biblique, prend goût à son pouvoir.
Eternel insatisfait il se lasse de son cobaye, trouve une nouvelle proie dans laquelle planter ses canines. Une jeune fille de bonne famille, très puritaine, aucun petit-ami par le passé, pas même un premier baiser. Un défit de taille pour ses nouvelles capacités, en quelques semaines, la belle tombe dans ses filets.
Mais le jeune mutant est négligeant, oublie de prendre en compte la désintox de son ancienne victime qui pendant tout ce temps n'est plus soumise au traitement hypnotique qu'il lui réservait quotidiennement. Elle commence à se poser des questions, l'observe de loin, comprend que quelque chose ne tourne pas rond. Ezéchiel enivré par une domination qu'il savoure ne se rend pas compte de cet espionnage en règle, et la demoiselle s'en va raconter à son père sa théorie.
« Home sweet Home »,
Lorsqu'il rentre le soir même, son père est impitoyable, il le frappe pour le faire avouer. Sous les coups le fils craque et confesse sa nature démoniaque, Lydie assiste à la scène en larmes. Effrayé à l'idée qu'elle n'avoue en pensant l'aider, il utilise son pouvoir sur elle pour la rendre amorphe. La douleur et le manque de pratique le bride, il perd parfois son emprise. Alerté par l'attitude étrange de sa fille qui pleure et se calme abruptement, John Hamilton comprend ce que son fils est entrain de faire et furieux, lui interdit de rester seul désormais dans la même pièce qu'elle.
Vie de merde.
Il décide de cesser complètement d'utiliser ses pouvoir mais ces derniers ne se montrent pas coopératifs et dès qu'Ezéchiel est soumis à une émotion forte, elle s'étend à ceux qui l'entoure. Les accidents se multiplient : un camarade le provoque et l'instant qui suit, ils sont plusieurs à dégainer les poings. Un couple ennuyant à la messe du dimanche devient méprisant et impatient. Un enfant joue avec sa précieuse et inatteignable Lydie se met à pleurer saisit par une tristesse inexplicable.
Son père le surveille de près, à chaque accident dont il est témoins les coups pleuvent, sa colère amplifiée par le pouvoir d'Ezéchiel malgré lui. La main bien plus lourde que dans son enfance cette fois-ci les cicatrices se gravent dans sa chaire et les bleus le pare des jours durants.
Epuisé, il fini par falsifier des ordonnances pour s'acheter des cachets censés l’assommer. Lorsque les médicaments manquent il passe aux drogues, moins légales, mais plus accessibles. Il dort mal, enchaine les migraines, peine à se concentrer et est prit de tremblements en fin de journée. Sa santé part à la dérive mais au moins, la solution a le donc d'atténuer les débordements.
Il passe quatre ans dans cet état, années durant lesquelles il obtient son bac et se trouve un travail dans un garage du coin. Matthew D. Kennedy mène sa campagne et distille une haine des mutants encore plus féroce au sein de la communauté de Taylors Landing.
Son père, persuadé que les pouvoirs de son fils ont disparus à force de lui attribuer les châtiments exigés par le Divin n'en devient que plus fervent dans ses discours, clamant que les mutants sont des êtres contre nature dont les pouvoirs sont la conséquence de leur péchés. C'est une malédiction qu'il faut éradiquer, et si le seul moyen d'y parvenir est d'éliminer le mal avant qu'il ne se propage, alors qu'il en soit ainsi.
Face à cette haine fanatique, Ezéchiel est plus terrifié que jamais à l'idée que le pouvoir de sa sœur ne soit découvert. Il peut remercier l'égo de ce cher pasteur grâce auquel, convaincu de l'avoir guéri, il a pu recommencer à prendre soins de cette dernière.
Il est des églises qui célèbrent les victoires en prières et buffet à volonté. Lors de l'élection de Kennedy, les fidèles de l'église décidèrent d'ajouter au tableau le sacrifice par le feu d'un mutant. Vive le président.
Les jeunes du village sont appelés à aider à construire le bûcher sur la grande place, en échange de leurs bons et loyaux services, on leur laisse organiser leur propre célébration dans l'annexe de l'église, alcool exceptionnellement autorisé, bonne conduite préconisée.
Le drame qui suivit fût causé par de nombreuses choses, certes. Mais le déclencheur portait le nom de Molly, aka petite amie d'Ezéchiel, qui l'aimait profondément malgré ses innombrables défauts et qui, pensant le protéger de lui-même, échange progressivement ses cachets et autres substances contre des placébo depuis plusieurs semaines maintenant.
La soirée et l'alcool aidant, les deux tourtereaux se sentirent rapidement d'humeur plus licencieuse. Le reste de la jeunesse présente étant également prompt à se laisser aller, il n'est pas surprenant que le pouvoir si longtemps contenu du jeune Hamilton éclate, entrainant les fêtards dans une débauche sans nom alors qu'il n'était obnubilé que par Molly.
Imprudence d'autant plus néfaste que l'église se trouve sur la grande place, et que le bruit attire l'attention des adultes occupés à leur cérémonie, le pasteur en tête de file qui reconnait aisément les cris du péché. Il ne lui fallut que quelques secondes pour sortir de son ébahissement et repérer son fils dans la foule qui, horrifié, venait de réaliser le chaos de débauche qu'il avait crée et surtout, de croiser le regard de son père.
Il le traine entre les quatre murs de leur maison et commence à frapper, encore et encore. Lydie aux abords du salon reste inerte tant Ezéchiel se concentre pour qu'elle n'intervienne pas. Mais plus les coups pleuvent, plus il se sent faiblir, et l’inévitable se produit : il lâche sont emprise.
La réaction est immédiate, elle hurle à leur père d'arrêter, s'agrippe à son bras pour retenir son geste. Tentative repoussée immédiatement par le patriarche qui ne faiblit pas. La petite entre en transe, désespérée, apeurée, et les hurlements de John Hamilton déchirent la nuit tandis que Lydie fait s'évaporer l'eau de son corps sous le regard fasciné de son frère qui se relève avec difficulté de ses blessures.
Le corps tombe au sol et on frappe à la porte. Une fois, deux fois, puis ça tambourine et s'ouvre sur des villageois qui constatent avec horreur l'état de ce qui reste de leur pasteur. Lydie pleure, les supplient de la pardonner, mais il était mauvais.
Ils ne l'entendent pas de cette oreille, bien entendu.
La haine et la peur en étendard, ils se saisissent de la petite. Ezéchiel hurle alors qu'ils l'emmènent, ils voulaient brûler un mutant ? Ils en avaient trouvés deux. On le retient avec difficulté, il est comme possédé, sans doute à cause de cette saloperie de mutante.
Et ils la brûle, ils brûlent Lydie.
Son cri résonne comme un détonateur, il explose. Une onde de choc de rage, de peur, de violence saisie l'assemblée qui se met à s'entre-tuer.
Ezéchiel arrache le corps des flammes mais c'est trop tard, son souffle est erratique, sa peau à vif, elle agonise, semble le supplier des yeux de la sauver, ou de l'achever.
Il pleure et hurle sa peine tandis qu'au sol tombent les derniers meurtriers. Il tremble lorsque ses bras tordent le coup de sa précieuse Lydie pour abréger ses souffrances. Un dernier cadavre à ajouter au massacre, mais sans pouvoirs cette fois.
Les journalistes ne font qu'une bouchée de l'histoire.
Une centaine de villageois d'une communauté religieuse paisible et sans histoire qui s'entre-tuent sans aucune explication ni antécédents. Deux corps retrouvés brûlés. Les quelques survivants loins de la grande place le soir du drame, endeuillés : l'enterrement des victimes prévu pour dans deux jours.
Il ne fut pas surprenant que les faits remontent jusqu'aux oreilles de l'institut, Charles Xavier se rendit lui-même sur place, conscient que le mutant responsable du massacre ne se révélerait pas.
Le jour des funérailles, le voilà dans ce trou perdu, à scanner les esprits pour trouver le coupable. Il navigue dans les méandres de la mémoire d'Ezéchiel, découvre son histoire, se prend de pitié pour le jeune homme. Si jusque là il n'était pas certain de ce qu'il ferait du protagoniste du drame, il devient clair qu'il nécessite une aide immédiate et urgente avant qu'il ne se laisse définitivement sombrer.
Hamilton accepte, parce qu'il n'a plus rien et qu'un internat sera toujours mieux que la sombre errance qui s'offre à lui.
Voilà presque un an qu'il a passées les portes de l'institut, un an que la rédemption lui échappe, un an qu'il est toujours enchaîné par ses démons.