††† To the darkness

Je n'ai jamais eu la prétention d'être une personne exceptionnelle. Je n'ai jamais eu un tempérament de guerrière, ni même la possibilité de me montrer sous la facette d'une femme de tête. Quelque peu effacée, bien trop discrète, je suis de celles dont la voix frêle et cristalline, se noie dans les murmures tortueux du vent d'hiver. Je n'ai pas un caractère fort, aisément ébranlée, en moi se forme cet amas de sentiments exposés par mon regard des plus transparent. Sensibilité à fleur de peau, douceur d'une caresse d'un draps de soie sur peau dénudée. Un souffle de légèreté. Romantique, telle la rosée du matin sur bouton de rose en pleine éclosion. Contemplatrice de l'univers, souffle d'espoir en une brise légère.

Sheryl McGuill était de celle qui d'un seul regard, parvenait à troublé le plus dur des hommes. Un rire qui résonnait dans une pièce bondée, tel la musique entrainante d'un jukebox de dîner des années 50. Elle n'était pas forcément dotée d'une beauté inégalée, mais possédait ce petit rien qui faisait tout, ce n'était pas une femme aux idées innovatrices, car elle se projetait déjà dans une vie des plus banales. Mariée à un homme qui lui offrirait un bouquet de rose rouge à chaque fois qu'il rentrerait tard le soir, mère d'un enfant qu'elle regarderait jouer assise sur sa causeuse à siroter du thé Earl Grey. Elle s'imaginait provoquer l'envie chez les époux des maisons voisines, sans jamais ô grand jamais, céder aux avances multiples des caissiers du supermarché. Mais pour l'heure, Sheryl se contentait de siroter une tasse de café gourmand dans un petit café à l'angle de Time Square en compagnie de ses plus fidèles amies, tandis que de l'autre côté, accoudé au comptoir, un groupe de jeune hommes les observait. Reynald Lee, était un jeune homme des plus charismatiques. Il n'était pas forcément le plus intelligent, ni même le plus grand athlète de son université, mais il savait manier les mots à la perfection. Il était également doté d'une gentillesse incontrôlable, souvent qualifiée de naïveté excessive, ce qui lui avait permis d'obtenir le surnom de "la bonne poire" de la part de ses amis les plus proches. Reynald avait le goût de servir, aussi, s'était-il employé à passer le concours des forces de l'ordre afin de mettre sa vie au service de la population. Il se voyait déjà à la tête de l'hôtel de police de New York, aimé par le siens, adulé par ses quatre ou cinq enfants qui, pendant qu'il regardait la télé le soir, joueraient à "Papa contre les voleurs". Il s'imaginait également marié à une femme splendide, dont la beauté ne se fanerait pas avec le temps, et qui ne cesserait de l'aimer que le jour où de vieillesse, elle partirait. Mais pour l'heure. Reynald Lee ne pouvait décrocher son regard d'une jeune femme passablement belle, mais dont le rire l'avait troublé. Il attendit patiemment que les amies de la jeune femme prennent congé, avant de prendre son courage à deux mains et se diriger vers sa table. Néanmoins, l'attente fut vaine, car très vite, elle aussi, s'en alla. Il décida alors de la suivre, de loin, histoire d'attendre le moment opportun pour l'aborder. Au détour d'une ruelle, Sheryl sortie son poudrier afin de se refaire une beauté, mais machinalement, ses pas continuèrent à la faire avancer, tant et si bien, qu'elle ne vit pas les voitures commencer à rouler sur une deux fois deux voie des plus bondées. Elle sentie alors des mains s'agripper à ses bras et l'étreinte d'un homme autour de son corps frêle. Stupéfaite, elle attendit un instant, les yeux grands ouverts, alors que peu à peu, elle se rendait compte de ce qu'elle aurait pu vivre s'il n'avait pas été là. Reynald senti alors que dans ses bras, la jeune femme gigota, et lorsqu'elle se tourna enfin vers lui, que leurs regards s'entrelacèrent, il senti son palpitant sauter un battement. Et à cet instant, Sheryl McGuill, tomba amoureuse d'un super-héros, dont les sentiments furent aussi étincelants qu'une explosion de supernova...

C'est lorsque j'ouvris les yeux pour la première fois que mes parents virent le signe absolu que je devais porter un nom des plus extraordinaires. Le bleu de mes yeux, se parsemait d'étincelles à chaque battement de cils, mon sourire, celui de ma mère, qui rappela bien vite les sentiments si puissants qu'avaient ressentis mes parents lors de leur première rencontre. Il fut alors décidé, en un instant, que je me prénommerais Nova, à la splendeur de la supernova de leur si belle histoire. Les premières années de ma vie furent les plus belles, choyée, couverte d'un amour presque trop parfait, je faisais parti d'une idylle dont mes parents ne cessaient de se vanter. J'étais le rêve d'un amour passionné. La passion cependant, n'eut pas le privilège de voir un deuxième enfant se former au sein de ma mère. Aussi, je devins l'espoir de toute une vie. Un espoir qui s'entacha peu à peu, après quelques soupçons, sur la normalité des choses. Mon père a vite compris, que je n'étais pas de ceux que l'on pouvait qualifié de commun des mortels. Probablement trop couvée, je n'avais ni assurance, ni charisme, effacée aux yeux des autres enfants. Je demeurais seule dans une prison dorée que je m'étais moi-même créée. Dans mon sommeil, ils me regardaient dormir, et observaient, au fil des années, que mes joues se constellaient d'étoiles brunes, que mon corps évoluait, que le bouton de rose se mettait à éclore sous leurs regards fascinés. Moins fille, pas tout à fait femme, je me suis découverte une passion dévorante pour la littérature et la photographie. Photographie singulière, car partout où mon objectif obtenait un cliché, une ombre posée dans le décor apparaissait. Beaucoup me demandèrent mon secret, sans qu'il ne soit jamais révélé... 

Vint alors un jour fatidique, celui qui mis un point final désastreux à mon existence telle que je l'avais toujours connue. C'était arrivé comme ça, sans crier gare, alors que dans ma chambre, à demi dans l'obscurité, je prenais en photo Iseal, l'ombre de moi-même, qui dansait au milieu de mes rideaux scintillants de guirlandes lumineuses colorées. Je n'avais pas fait attention au verrou non fermé de la porte, l'heure tardive qu'il était, à ma mère, qui, impatiente de se restaurer, montait les escaliers. Elle avait ouvert la porte sans crier gare, découvrant, ahurie, Iseal qui se déhanchait. J'ai détourné le regard, tandis que mon amie de toujours s'évaporait. "Maman !" Elle a reculé d'un pas. J'ai jeté mon appareil sur le lit défait. "Maman écoute..." Mais elle n'écouta pas, elle se précipita dans l'escalier, sentie le sol se dérober sous ses pieds. Ma mère dévala les escaliers avec fracas, s'échoua sur le parquet fraichement ciré. Une perle de sang s'échappa de mes cils tandis que je la suivais. Mon père arriva, se jeta sur elle, vérifiant que tout allait bien. Ma mère reprit ses esprits, elle m'observa, horrifiée. Mon père me prêta alors attention, pris mon visage dans ses mains. "Nova, qu'est-ce qui t'arrive ?" J'entre ouvris les lèvres. "Ne t'approche pas d'elle !" Il me lâcha, observant son épouse qu'il ne reconnu pas. "Reynald, ce n'est pas Nova, c'est un monstre !" Il fronce les sourcils. "Que dis-tu ?" Elle attrape son mari par le bras et le tire vers elle. Je sens mon coeur sauter un battement. "Maman !" Elle me jette un cadre photo dans la tête. Je m'écroule à mon tour sur le sol. Je ne comprend pas, je ne sais pas. Mon père l'observe, la gifle. "Arrête !" Mais l'émotion est trop forte, elle récidive. Et alors, ma main se pose sur Iseal, et je me sens fondre, littéralement. Ma main s'enfonce en elle comme dans un sable mouvant, devant les yeux ébahis de mes parents. Cette fois, mon père s'agrippe à ma mère. Dans son regard, je sens le vide. Et à la fin, il ne reste plus que mon ombre. Mon ombre en chair et en os. Je ne comprend plus. Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Que suis-je entrain de faire ? Je ne comprend plus. "Nova ?" Mon père me touche, je sens la chaleur de sa paume sur mon visage, et je vois les poils de ses bras se dressés sur eux-mêmes tandis que ses yeux se font engloutir par l'émotion. Et tout d'un coup, c'est comme si j'étais prise dans un ouragan, ma tête tourne, à tel point que j'en viens à m'évanouir... Lorsque je me réveille, je suis attachée à une chaise. Je ne comprend pas, je me débat. "Papa !" Il se jette sur moi, me détache. "Nova..." Ses yeux m'observent, et ce que j'y vois me terrifie. Comme si je n'étais plus moi, comme si je n'étais plus là, comme s'il faisait le deuil d'un décès, qui n'avait pas eu lieu. Lui non plus ne comprend pas. On se regarde sans se voir. Tout deux observons le souvenir de ce que nous étions... De ce que nous ne serions plus jamais...

La suite, vous comme moi la connaissez, aussi, il n'est pas nécessaire de la narrer. Ici fini mon histoire, la rose Nova a fanée ce soir là, laissant derrière elle le goût amer d'une vie inachevée, une Sheryl Lee agissant comme si elle n'avait jamais enfanté, un Reynald Lee endeuillé. Et une Nova, dont le nom de famille n'ose être prononcé. Une supernova ayant explosée...