Fight for salvation ft. Ava

La journée s'était écoulée avec un calme effrayant, linéaire et sans-surprise. Un rituel quotidien, bercé par les bruits agités des couloirs, les couverts, les chaises bousculées dans le refectoir, les mines de stylo grattées sur le papier. Ava traversait parfois le temps comme elle traversait l'espace, en fantôme. Elle ne se souvenait pas vraiment avoir entendu sa voix une seule fois dans la journée.

Les cours terminés, Ava se mit à son bureau et le véritable travail pouvait commencer. Un bouquin de physique quantique sous une lampe trop lumineuse, la jeune mutante théorisait son don en déchiffrant les théories d'un obscur scientifique au nom imprononçable. Les dortoirs semblaient vides tandis que la majeure partie des étudiants arpentaient l'institut ou ses jardins. Le calme du lieu devint contagieux et s'empara d'Ava. Elle soupira de contentement en laissant son regard se perdre de l'autre côté de la vitre. La chambre 77 avait une vue d'exception et, même si la jeune femme n'y portait pas souvent beaucoup d'attention, elle était satisfaite de pouvoir profiter du jardin sans avoir à y mettre les pieds. Elle observa le va-et-vient de ses camarades, certains riaient de bon cœur, d'autres y déambulaient seuls, l'air absent.

Ava glissa un vieux CD d'Herman's Hermit dans son Discman, le casque sur les oreilles elle nourissait sa nouvelle passion pour les années 60. La nuit tombait paisiblement sur le parc et Ava referma ses livres pour se diriger à contre-coeur vers le réfectoire. Bien sûr, le repas se passera comme tous les autres. Un ou deux sourires polis, une ou deux discussions stériles, puis le retour à la chambre. Les conversations des colocs, le CD glissé dans le discman, le stylo et le carnet et puis le sommeil. La routine. L'ennui.

Ce n'était pas tant qu'Ava n'aimait pas les autres, c'était surtout qu'elle leur portait une froide indifférence. Même si certains avait le droit à une silencieuse affection, ou un respect poli, personne ne lui semblait réellement indispensable. Ava se surprit à penser que c'était sûrement le problème des désespérés : n'avoir personne à qui s'accrocher. Bien sûr il y avait Ivy mais, dans le fond, avait-elle vraiment besoin d'elle. Elle était jeune, mais elle était forte. Peut-être plus que son aînée.

Ava prit son diner avec un air d'ailleurs, comme si ce n'était pas son corps mais son esprit qui perdait sa tangibilité. Elle releva les yeux sur Blake Wilson, le prof d'anglais. Ava ne suivait pas ses cours mais l'avait déjà croisé quelques fois au détour d'un couloir ou, comme à cet instant, au détour d'un repas. Il semblait pressé et aussi ailleurs qu'elle. Il quitta la pièce, aussi silencieux que rapide, et Ava finit par l'imiter sans finir son assiette. Elle se rappela de sa mère crispée par le gaspillage et sourit intérieurement. De temps en temps, elle lui manquerait presque.

La jeune mutante s'installa sur le porche de l'institut avec son casque et une cigarette. Le clic caractéristique de son zippo résonna dans le vide. L'air frais et calme se retrouva troublé par le passage de Blake. Il s'était changé et là, dans son sweat-shirt, il s'engouffra dans le chemin au petit trot pour finir par disparaître à un tournant. En écrasant sa cigarette, Ava se rendit compte qu'elle s'était débarassée de son assiette vraiment rapidement. Le seul bruit qui aurait pu troubler sa solitude provenait toujours de la cantine de l'institut et la jeune femme en profita pour s'aventurer dans le jardin.

Ce n'était pas la première fois qu'elle y mettait les pieds et pourtant les lieux apparaissaient nouveaux. Elle s'installa sur un banc longuement avant de remarquer que la lumière de sa chambre était allumée. Quelqu'un était remonté et cette présence agaça Ava. Sa soirée tranquille se retrouvera forcément troublée.

En passant la porte de l'institut, Ava vit Blake rentrer et descendre les escaliers qui menaient au sous-sol. Elle connaissait bien les lieux, non seulement pour les cours mais aussi parce que ses dons étaient souvent réclamés quand quelqu'un avait envie d'une des bouteilles enfermées dans la cave.
Blake descendait toujours plus profondément dans les entrailles de l'institut et Ava le suivait sans véritable raison. Il entra dans la salle de sport et Ava observa le rituel du boxeur. Les bandes, les échauffements et finalement les coups dans le sac de frappe. Elle s'adossa à un mur et se sentit concernée comme si l'homme se battait réellement. Avec un cynisme qui la rendit presque triste, elle eut la conviction intime qu'un jour ou l'autre, il y aurait sûrement un sport de combat qui verrait s'entretuer les mutants pour l'amusement des autres.

Une impression de puissance se dégageait du professeur. Non seulement par la précision et la force des coups mais surtout dans la manière dont il semblait se contenir. Ava avait déjà vu qu'il y avait un club de boxe mais n'avait pas vraiment considérée l'idée, cependant observer l'athlète en plein entrainement était assez plaisant. Elle se racla dans la gorge pour ne pas surprendre le boxeur en plein exercice.

Monsieur Wilson ? Loin de moi l'idée de vous déranger mais je préfère vous avertir de ma présence. Ce serait... dommageable de vous faire sursauter.